Argentine – Arrivée sur Malargue et surprise! – J680 à J682

J680 – Dimanche 6 mars – El Sosneado à Malargue – 50km D+92m


Je le savais que ce serait difficile de relater notre dernière journée loin du monde, 2 jours après. C’est que les événements se sont précipités. Je vous raconte.

Après notre grosse journée de vélo faite la veille, ce matin du dimanche 6 mars, nous nous réveillons donc à El Sosneado. Et je n’ai pas évoqué dans le récit d’hier ce qui fait de ce petit village un lieu marqué par un événement terrible, quasi historique…
Si, comme moi, vous avez lu le livre « Les survivants » de Piers Paul Read (plusieurs fois même), ou vu l’adaptation cinéma du même titre, au sujet du crash du vol Fuerza Aérea Uruguaya 571, en octobre 1972, vous n’avez pas pu oublier cette terrible histoire… Et bien, ce crash a eu lieu ici, dans les montagnes juste derrière El Sosneado, qui est le village le plus proche du lieu de l’accident… Pour Sylvain et moi, être si proches du lieu de ce drame ne nous laisse pas insensibles, et même nous émeut… Comment ne pas se demander chacun ce que nous aurions fait à la place de ces hommes?
Dans ce vol, qui embarquait une équipe de rugbymans uruguayens et leurs familles, il y avait 45 personnes au décollage, mais seulement 16 d’entre eux vont finalement être secourus 72 jours après l’accident, plus de 2 mois, grâce à 2 hommes qui ont traversé à pied la Cordillère. Ces 16 hommes, bloqués au cœur de la cordillère des Andes après l’accident, doivent leur survie au cannibalisme, ayant mangé ceux qui n’avaient pas survécus… Terrible histoire ! Et bien, nous sommes à 60 ou 70km de sentier de randonnée du mémorial de l’accident. Trop pour nous ce matin…


Les réveils sont bien plus frisquets maintenant… on descend, on descend mine de rien. Nous sommes à la même latitude que l’Afrique du Sud et son cap de Bonne Espérance. On a passé la ligne et tout de suite, on sent la différence… la nuit! Alors ce matin les doudounes remettent le nez dehors, se remplissent d’air dans leurs plumes et nous réchauffent lors de notre sortie d’igloo. Même le bonnet est mis. Il faut ce qu’il faut à 7h30, autour de la table en béton. Le soleil nous chatouille enfin le visage avec le thé chaud et le café. Pendant que les enfants terminent leur céréales et biscottes, nous rangeons et faisons à nouveau la vaisselle à l’eau froide (tu te souviens Alain???). Presque 5 mois à laver à l’eau tiède ou chaude, en tout cas pas froide et gelée comme ce matin, à avoir mal aux doigts. Et dire que ça va être de pire en pire! Pour ce matin, ça ira bien. On arrive à tout ordonner dans nos sacoches sous les 9h, comme d’habitude. On quitte notre campement de bord de route pour la suite de la 40 dans les 2000.


La route se partage en plusieurs portions: une légère côte tout d’abord, dans un paysage de buissons ras, de sable, de montagnes sur notre droite avec déjà le panneau de « bienvenidos » de Malargue alors que nous en sommes à 45km. Puis, c’est au tour d’une longue descente de plusieurs kilomètres avec un panorama à 360 degrés. Toujours dans le même type de paysages sans habitations. S’ensuit plusieurs km de légère côte ou faux plat disons, qui nous amènent à la bifurcation pour la Valle Hermoso et le village/ station de ski de Las Leñas situé à 48km de là (désertique suite à 5 années sans neige). Nous y faisons une halte gourmande un peu déçus de ces choix à faire en vélo…

Mais le ventre rempli, nous continuons par une autre portion de plat descendant, trop sympathique car rapide et avec le même décor de plateau entre 2 chaînes de montagnes. Il n’est pas encore 11h lorsque nous sommes à 35km du bivouac du matin, à l’orée de la forêt. Changement radical, les 15 derniers km sont plats parmi des forêts qui nous abritent du vent, et nous font croire dans le Montana. Un panneau sur l’histoire d’un combat par le Général San Martin ici nous fait vite revenir en Argentine. L’enthousiasme sur les 2 vélos, nous pédalons rapidement, ne sentant pas la douleur des cuisses sur le premier km suite à la journée d’hier. Tant mieux. Alors, peu fatigués mais affamés, nous entrons dans Malargue.

Beaucoup de location de cabañas avec ou sans piscine, beaucoup de verdures, et un restaurant. Voici les débuts de la ville. Nous n’allons pas davantage dans la zone urbaine. Nous hésitons à déjeuner ici, les prix sont chers, mais étant dans une ville touristique, on s’y attendait. Le camping n’est pas très loin, nous ne savons pas si c’est plus cher ailleurs. Alors, après quelques échanges avec un couple à table, nous prenons place aussi, dehors au soleil. Et il cogne! En attendant nos plats nous discutons… discutons…. discutons… puis mangeons notre repas pas franchement extraordinaire et cher! Cela nous laisse un goût amer.

Mais nous prenons la chose avec philosophie car nous avons fait la connaissance d’Andrea, Loli et Timothee. Canado-Argentins, en vacances par ici en voiture, nous sympathisons au point qu’ils nous proposent de passer le reste de l’après midi ensemble et de nous emmener sur Las Leñas, la station de ski fantôme par la superbe vallée Hermoso. Il est déjà presque 15h, alors on file chacun de notre côté: eux, pour la sieste de leur loulou, nous, pour monter la tente et balancer toutes nos sacoches sous l’abside. 16h, on monte dans leur voiture, tous les 4 à l’arrière. Avant de sortir de la ville, ils nous emmènent sur Grido. « Helado delicioso » vous diraient les enfants! Et oui, on passe par le dessert en centre ville, sur l’artère principale de la ville, elle aussi arborée. Et pas moyen de leur payer, de leur offrir ce cadeau en dédommagement de la route que nous allons faire. C’est même l’inverse. Ils piquent notre billet des mains du vendeur pour mettre le leur! Après cette bataille, nous remontons à 7 dans la voiture et faisons le trajet parcouru ce matin pour nous à vélo, en sens inverse. Drôle de sensation, de déjà-vu jusqu’à la fameuse bifurcation que nous prenons maintenant.
La vallée est effectivement Hermosa, linda… jolie quoi. Les montagnes sont découpées, abruptes, grises et ocres. On s’enfonce en remontant la rivière sinueuse et donc la route aussi. Ah oui: voiture + virages chez la famille Dem = malades!!! Donc, les loulous ne se sentent pas bien. Avec Raphaël, nous passons devant tous les 2 à côté de Loli jusqu’au premier arrêt: le lac Niña Jugando. Il n’est visible qu’avec une petite marche dans une sorte de petit canyon et le passage d’un vieux pont suspendu en métal avec beaucoup de vent. Mais désillusion, l’accès de ce petit lac en montagne est payant, avec même clôture et un sacré prix par personne! Alors, là c’est une première pour nous de payer pour aller marcher 500m pour faire le tour l’un lac. Après discussion à 4 adultes, nous préférons faire demi tour et continuer notre progression, notre enfoncement dans la vallée.

On fonce donc pour la suite parmi ce dédales de blocs rocheux, de pics, de sommets enneigés.
La montagne se découpe, les couleurs changent avec le soleil qui descend.
Mais je regarde moins le paysage, comme si j’avais l’impression que ma vision était rétrécie, comme si je ne pouvais voir qu’un seul point de vue de la nature. Bizarre, non?
Nous arrivons ensuite sur la station de ski fermée de Las Leñas, où tout est laissé, tout est fermé, personne dans les rues, pas de bruit… Depuis 5 ans, c’est cela. Toutes les installations, hôtels immeubles, piscines, jeux pour enfants, canon à neige sont abandonnés, mais en bon état, entretenus. (On peut même entrer dans un des hôtels par la fenêtre non verrouillée). C’est comme en suspent. Nous sortons de la voiture pour un petit tour lorsqu’il se met à neiger quelques flocons.

Certains en profitent pour photographier, d’autres plus jeunes jouent à cache-cache dans les structures de bonhomme de neige ou roulent dans la pente sur l’herbe pendant que certaines discutent de l’éducation des enfants et des programmes scolaires. Le vent et sa froideur nous font redescendre vers la ville, rapidement mais avec de superbes couleurs sur ces roches crénelées, sur le coucher de soleil. Mais du coup, les enfants ont un coup de chaud, au point de devoir s’arrêter au frais sur le bord de la route.


On rentre au camping où nous sommes fiers de présenter nos vélos et faire visiter notre tente. L’essayage de nos montures est nécessaires, dans l’allée du camping et Timo adhère complètement. C’est trop drôle, il est prêt à partir en voyage à vélo! Nos discussions sont inépuisables, puisqu’eux aussi voyagent 6 mois en Argentine, avant de repartir au Canada, sur l’île de Vancouver où ils habitent et qu’Andrea a vécu avec ses parents sur un voilier à sillonner toutes les mers du monde de ses 4 à 12 ans…


Plus de 20h ou 21h quand nous nous quittons par la fatigue, le vent et la nécessité de prendre une douche. Rdv demain matin pour la douche puisqu’elle n’est autorisée que jusqu’à 21h et franchement, on n’est pas prêts pour une douche froide… Par contre, on change de place (on s’amuse bien!) car d’énormes branches sont tombées à moins d’un mètre de la tente avec le vent et que les autres arbres sont dans le même état. Par sécurité et pour avoir de l’électricité et du wifi à notre emplacement, on déménage tout le barda puis on soulève la tente déjà montée à travers le camping.
Quelques restes du restaurant de ce midi réchauffés et on se met au lit, éreintés.

Heureusement, la mémoire est encore bonne à mon âge pour relater cette journée surprise!

Les deux journées suivantes J681 et J682 ont été rythmées par nos amis Loli, Andrea et Timothee qui sont passés nous voir le lendemain matin pour partager un succulent petit-déjeuner (et on a encore eu du mal à se séparer!!!), par des sessions coiffeur pour les garçons, par le temps scolaire, par les vêtements déposés à la laverie, par la recherche de vêtements chauds (haut et bas thermique, doudoune pour Emma) pour les loulous puisqu’ils ont bien grandi depuis notre départ de France le 3 janvier 2021, et pour Sylvain dont le pantalon technique a rendu l’âme apres de nombreux raccomodages, par l’obligation de récupérer du liquide, par l’envie de faire plaisir à Raphaël pour son anniversaire en lui trouvant 2 petits cadeaux surprises, par la dégustation de Pancho (sorte d’Hot Dog avec des sauces au choix, d’empenadas…), par la préparation de la suite et des courses en conséquence vu l’absence régulière de villages devant nous, et par la prise de temps pour vivre au rythme des argentins dans leur ville (comme si on se fondait dans la masse), de les rencontrer et discuter au détour d’un glacier, de la poste…. ça, on adore!

6 commentaires sur “Argentine – Arrivée sur Malargue et surprise! – J680 à J682

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  1. Bonjour les aventuriers,

    Vous allez plus vite à vélo que moi à vous lire! J’ai pris du retard ,alors cool , visitez ,reposez vous que je rattrape mon retard .
    Ah oui je me souviens trés bien du film, du livre des survivants, je n’avais pas souvenirs de l’endroit ou l’avion a chuté. Je comprends votre émotion et la question que je me suis posée aussi à l’époque , qu’aurais je fait?
    Encore de belles rencontres et de beaux moments de partage, que de souvenirs vous aurez de ces merveilleuses rencontres.
    Vous allez avoir besoin de doudounes, en effet vous n’allez pas comme nous vers la douceur du printemps .
    Je vous souhaite une bonne continuation vers le but final de cette aventure courageuse .
    Merci de prendre le temps malgré la fatigue de nous relater et photographier vos journées qui se suivent et ne se ressemblent pas !!
    Gros gros bisous à tous les 4

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  2. encore une belle rencontre ! Il vous reste combien de km à parcourir ? Je me souviens aussi de cet avion … je pense que personne ne peut savoir ce qu’il aurait fait … bonne continuation dans votre » descente « 

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  3. Une belle photo : Timothee à vélo faisant la course avec Raphaël, le bonheur se lit sur leurs visages !! Encore une très belle rencontre qui restera dans vos coeurs, c’est important pour vous et pour eux bien sûr, des journées d’échanges et de joies, bravo à vous tous. Prenez soin de vous Bizz

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  4. Coucou  » mes  » Pino Great Travellers préférés !!! Avec mes excuses, je ne reprends « votre » lecture que … maintenant, j’étais absent depuis presque un bon mois ( vous raconterai peut-être ultérieurement … ? ) et j’ai recherché où j’en étais resté, je crois que c’était le J 638 ! Purée, j’ ai une sacrée lecture qui m’attend, mais qui va me combler et me redonnera de belles … images, pour changer . Je vais m’y remettre au plus vite – pour vous renvoyer un mot – du Nord au Sud de l’Argentine, qui me semble bien fort … sympathique ! Donc, à très vite bientôt, d’autant plus que votre périple va bientôt toucher à son terme … ? Bises à vous quatre .

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  5. Bonjour les explorateurs. Que de belles rencontres en votre quotidien ! Que de contraste d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre ! Chaleur / fraîcheur, brousse / forêt, solitude / convivialité, silence / boucan, etc. Vous passez d’une situation à son contraire en quelques heures. Ce doit être ça, l’aventure : un parcours contrasté auquel il faut s’adapter en permanence, ce qui demande énergie et acceptation sereine, une ouverture d’esprit béante. Vous vous dirigez vers le froid antarctique, plus polaire que polaire donc. J’espère que vous disposer de bonnes doudounes. Je vous suis à la trace… bien sûr avec le décalage entre les chroniques et votre présent. Pourtant, vos chroniques sont un présent, un beau cadeau je veux dire mais vous l’aviez compris. Je vous embrasse chaleureusement.

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