Argentine Patagonie – Esquel – J722 à J725

J722 – Dimanche 17 avril – Bivouac km1844 au Bivouac sous les 4 pins – 49km D+443m


On se réveille naturellement avec Sylvain à 4h, puis à 8h. Mais la seconde fois, j’ai moins envie de sortir le bout de mon nez. J’ai plus l’intention de me blottir davantage dans la douceur de ma couverture verte dans laquelle je dors. Emma la marmotte est d’accord avec moi. Sylvain par contre, s’en va t’en guerre contre le froid et l’eau froide. Il s’autorise un tout petit feu dans la terre pour ne risquer aucun incendie avec la plus petite casserole pour 2 tasses: une de café et une de thé. Il enterre tout et revient à l’abside pour petit-déjeuner tous ensemble. Et oui, ce matin, on est tous prêts en même temps. Bizarre, non? Et bien, Sylvain a juste dit quelques mots magiques: « je crois que j’ai vu quelque chose dans un sapin! ». Oh, purée, l’effet que cela a eu sur 2 loulous en train de tranquillement s’habiller, enfin plus de discuter et de rigoler. L’impatience et la joie se lisent sur leurs visages, ça nous fait extrêmement plaisir. C’est donc ce matin qu’a lieu la chasse aux œufs. Je vois déjà ma mère désapprouver cela, hocher la tête. Mais ici, c’est différent. Le lapin de pâques (et non les cloches, car selon Raphaël les cloches n’ont pas de pieds et sont dans l’incapacité de ramener des œufs, alors que les lapins, oui. Imparable) a caché les œufs ce matin pour 2 raisons: il y a des cachettes sur ce bivouac et les œufs risquaient de fondre ou de s’écraser dans nos sacoches. Elles ont réussi l’exploit une journée, n’allons pas tenter le diable avec une seconde.


Les voici donc en train de courir, Raphaël et Emma dans chaque sapin, vérifier, crier de joie de cette découverte, et de courir encore… J’adore ce moment me rappelant ma jeunesse avec mon frère et ma soeur dans notre jardin. Chacun a trouvé un œuf et un petit lapin en chocolat, ainsi qu’une boîte de rocher et œufs pralinés. Maintenant, c’est le petit-déjeuner dans l’abside tous les 4. Il fait moins frais, le soleil est sorti en face de notre tente, avec un voile à l’horizon sur les montagnes, nous pouvons donc abandonner les bonnets. Pour la suite, ce fut comme d’habitude. Pas de dimanche ou jour férié qui compte, on remballe le matériel de la famille Dem avec tout de même de la buée qui sort de notre bouche. On est efficace et quittons notre bivouac à 9h52! Ça faisait longtemps que nous n’étions pas partis avant 10h. Et bien  étonnant ce que ces œufs peuvent faire!


Aujourd’hui il n’y aura pas de village, pas de tienda, pas de rencontres du coup, que de la nature, de l’espace, du temps… et ça, des journées où l’on ne part pas d’un village ou on n’arrive pas le soir à un village, des jours où on est en pleine autonomie, elles ont une ambiance particulière.
L’importance de ce jour, c’est de trouver de l’eau, mais facile cette fois, à 2km, un poste de police en a. Nous y fonçons (façon de parler, bien sûr), y entrons, n’y voyons personne, toquons, et décidons de remplir nos 10 litres sans autorisation. On aura essayé !
23km, en 2h20, sur une route montant continuellement et qui diffère en tout point par le paysage et la circulation. Point de sapins, point de forêts, point de verdure sur les flancs de montagnes aménagé par l’homme. Nous ne voyons que de la pampa, du jaune, nos anciens buissons d’avant Junin de Los Andes, les « correa » sorte de chapelle avec des dons de bouteilles d’eau et notre vent (de dos!).

Mais je n’ai pas eu le loisir plus que ça de contempler ce panorama, ces montagnes qui s’éloignent de nous ou nous d’elles puisque mon attention fut ailleurs: sur mon rétro. En ce dimanche de pâques, il devait y avoir une cérémonie extraordinaire sur Esquel car on a été assommés de voitures! Plus qu’aux 24h du Mans à coup sûr. Une ribambelle d’autos plus rapides les unes que les autres (et qui ne respectent pas les limitations non plus!) nous dépassent donc, parfois près, et parfois (2 fois seulement sur 200) nous klaxonnent de mécontentement. C’est du joli! Ma réponse reste gracieuse avec le bras levé, imperturbable. La concentration est assurée, la chaussée parfois défoncée, alors on jongle avec ces tarés du volant, ces « fanjos ». Du coup le paysage est moins exploré par mes yeux. Mais les photos de Sylvain rattraperont mon absence du jour, au moins jusqu’au déjeuner qu’il nous a trouvé. Digne d’un petit bivouac champêtre. De la verdure, des arbres, une jolie rivière accessible à l’eau cristalline. Les vélos sont posés comme le tarp et nous déjeunons ici à 12h30. Le lieu est si rare.


Nous reprenons le pédalage pour l’après-midi. Peu de bivouacs sont indiqués sur notre appli, les prochains sont extrêmement loin. Alors, nous ferons en fonction de l’heure et non des kilomètres. Nous verrons où cela nous mène. Surprise! Le plat d’après repas est une bonne chose pour les jambes des 2 tandems. Le trafic s’est un peu réduit, mais pas leur vitesse. Le soleil nous accompagne aussi, ce qui nous a conduit à enlever tout sauf le tee-shirt. Une chance car la météo était plutôt à la pluie pour le we. On est vraiment heureux de rouler dans ces conditions et ce cadre un peu désertique. Adieu les belles sources d’eau transparente! A nous le complexe fonctionnement sur 2 jours (oui oui 48h!) avec 15 litres d’eau pour 4 personnes. Challenge à proposer aux copains, non? (Il me semble que des collègues l’avaient proposé à leurs classes…?).
On continue notre avancée parmi le sec, sur le plateau, avant d’entamer une belle côte, avec quelques centaines de mètres de ripio, quelques virages, du vent de face. La fatigue aidant, notre rythme et notre gaieté ont changé. La vue des bas côté en terre, charriée par les machines de travaux, la clôture des parcelles privées proches de la chaussée nous font comprendre aussi que le bivouac va être difficile à trouver ce soir. On continue et achevons cette montée vers 16h. La descente suivante nous aide à récupérer des km sur notre arrivée de demain à Esquel. Encore 5km de côte que nous ne terminerons pas.

Après un pont qui aurait pu nous abriter de la pluie (qu’il n’y a pas) mais pas du vent (qu’il y a), quelques grands arbres nous sont apparus plus haut. C’est notre prochain objectif, réduit mais efficace pour pousser davantage sur les pédales. Le Panzer y arrive en premier et Raphaël en conclut rapidement que c’est le bon: Emma et Sylvain ont enlevé les casques. Ça ne trompe pas. Alors ce n’est pas le bivouac de rêve, mais entre 6 pins, un peu à l’écart de la route mais très visible tout de même, un peu à l’abri du vent, nous ne faisons pas la fine bouche et savons que c’est sûrement le seul dans le coin. Un peu beaucoup de balayage avec des branchages pour certains, du dessin pour d’autres, nous installons la tente GT pour la nuit. L’intérieur est disposé également ainsi que Sylvain, fatigué et mal en point du dos, les vêtements lavés mais toujours pas séchés mis sur un fil, tandis que nos 2 êtres à l’imagination débordante se sont déjà créés une cabane, un parapluie, une maison pour leur figurine Gluglu, ont joué aux super-héros… oubliant même de défaire leur casque comme Raphaël.


Ce n’est pas tard que la popote va chauffer sur un feu de fortune, dans la terre retournée pour les travaux, pour nos nouilles et la crème. Un vrai délice qui nous redonne l’appétit à Sylvain et moi, avec du chou blanc en salade et ses pignons de pin, pris dans l’abside à l’abri du vent. 20h lorsque le repas s’achève avec une douceur chocolatée amenée ce matin par le Lapin de Pâques, qui célèbre bien évidement le fait que « Jésus se transforme en fantôme » (selon Raphaël !). Mimi, je crois que l’on va avoir besoin de tes mots et de ta patience pour quelques longues journées de discussion avec lui, qui questionne beaucoup sur ce domaine qui ne m’est pas si clair que ça.
Tout le monde rentre dans la tente au chaud après le passage aux sanitaires qu’il n’y a pas sur cette aire d’autoroute (d’ailleurs, la comparaison avec nos stations et Aires de repos en France est vite fait: on a de la chance dans notre pays!).
La fin de la séance de cinéma d’hier est réclamée par tout le monde. Alors, nous retrouvons Ken Miles et Carol Shelby aux 24h du Mans de 1967 pour une tension à son comble et un ravissement certain. La nuit peut enfin commencer avec quelques bruits de moteurs passant sur la 40 près de nous, après 21h30 pour moi.

J723 – Lundi 18 avril – Bivouac sous les 4 pins à Esquel – 43km D+163m


Allez, on prend notre courage et ce matin, malgré le vent, malgré le froid, on sort plus que son petit nez du duvet. Le soleil en fait de même, ça nous va bien, mais pas quand c’est le vent! Et ce matin, on le sent un peu. Pas grave, on se réchauffe dans la tente en s’habillant et pliant les duvets et matelas. Un petit feu de barbecue pour notre eau chaude du matin, quelques jeux avec notre drapeau ou les branches des pins pour les enfants, pas de nettoyage de la vaisselle faute d’eau (aie, aie, aie, les casseroles noires  à cause des flammes des feux!), rangement des doudounes pour les parents uniquement, et avant 9h30, on est déjà assis sur nos selles respectives.


On est motivé par le peu de dénivelé de la journée. Une seule côte à peu de pourcent, parmi les buissons et la pampa jaunie, parmi les montagnes lointaines, puis le reste n’est que plat et descente! Cool, non? Alors, on pédale tranquillement dans ce décor isolé, naturel, sans trace de civilisation humaine pendant bien 20km. On est plutôt bien physiquement, pas trop fatigués, pas trop mal fichus du ventre non plus aujourd’hui. On effectue nos arrêts quotidiens photographiques de notre aventure, sans se presser, avec le soleil et la fraîcheur. Mais nous sommes bien couverts et cela ne pose aucun problème aux loulous, comme toujours.On avance bien tous les 4, les enfants aidant bien, faisant même le pédalage seuls.
Toujours en descente, la vitesse s’accélère. La route devient meilleure, moins de trous, moins de circulation automobile ce matin, plus de sapins qui ont été plantés dans des programmes de revégétalisation par l’homme sur les flancs des montagnes sur notre droite. Les couleurs changent quelque peu avec cette touche de vert additionnelle sur notre ligne droite.


S’ensuit rapidement l’aéroport d’Esquel sur notre gauche, des pics montagneux sur la droite et une intersection, la seule de la journée. A gauche, nous poursuivons sur la route 40, et à l’opposé, nous entrons dans 15km de route vers Esquel, la seule ville du coin pour se reposer et se ravitailler. C’est notre option. Encore quelques kilomètres de descente un peu plus prononcée, à l’ombre des montagnes, entrant dans la zone urbaine, avant que nous nous arrêtions au milieu de la rue principale, sur le terre-plein près d’une locomotive. Celle-ci date de 1922, donnée en 1945 par l’Allemagne à l’Argentine. Les enfants y jouent, bien évidemment, pendant que nous sortons le pique-nique et le portable pour chercher un appartement pour les 3 prochaines nuits. Le hasard nous fait tomber sur une petite maison en bois, à 2 cuadras d’ici. Au culot, à la fin de notre repas sur le banc tous les 4, nous y allons directement.


Quelle bonne initiative! La maison est trop belle, trop « cocon », chaleureuse… mais pas prête. No problema. On part en centre ville en vélo avec toutes nos sacoches, direction un parc avec balançoire, histoire que les enfants se défoulent. Une bonne boulangerie, un supermarché (dévalisé par 2 poches entières et un carton rempli) et nous voilà, à pied, les courses sur les sièges des enfants. Nous serions trop lourds et risquerions avec tout ce poids d’abîmer les vélos. Encore pas de problème. Ici, comme depuis le Mexique, il y a des « problèmes » mais toujours des solutions. Donc, on avance sereinement dans la ville pour revenir à l’heure convenue de 16h30 sur la maison. Nous faisons à nouveau un arrêt gustatif dans un magasin de vrac bio… et Sylvain fait la connaissance d’un journaliste local sur le trottoir! Je sors de là, et son caméraman arrive de suite. Improbable mais on est interviewé par Esquel Televisora Color devant la boutique, en espagnol bien sûr (je n’ai pas bien compris une des questions!!).


On est dans les temps pour le retour chez nous, et Evelin nous donne les clés du chalet. Il fait chaud, tout est en bois, avec des tapisseries, et on s’y sent tout de suite bien. Bien pour se laver dans la baignoire chaude, pour profiter des 3 chambres, des lits et draps propres, de la cuisine et de son four! Gratin de pommes de terre pour le repas du soir, un régal pour les papilles mais aussi pour savourer ces moments dans une cuisine, dans un endroit où l’on se sent bien tous les 4.


Voilà la journée qui s’achève ici, sans bruit de la route, sans température, ni malade. Ça fait du bien aussi, du repos!

Les 2 jours suivants, J724 et J725 nous prenons nos marques dans la maison et dans la ville. Sylvain part dès le lendemain, à la recherche de chaussures dignes de ce nom dans le centre et découvre un camping-car avec une plaque française. Sans prévenir les enfants, on recherche d’après le nom de la famille (en stickers sur les parois du véhicule) et leur envoye un message pour se voir aujourd’hui tous ensemble. Pas de réponse, Sylvain y retourne et ose frapper à la porte! Heureusement! Voici la famille Ommea, avec Olivier, Estelle, Aubin, Marie et Martin, sans oublier le chien et les 2 autostoppers qu’ils ont pris, qui passent à la maison, toute l’après-midi! Les enfants au 1er étage dans leur chambre, les adultes au rez de chaussée autour de thés et cafés. On finit par déjeuner ensemble vers 14h dans la cuisine pour les 4 loulous, et dans la salle à manger pour les adultes ! Encore un moment de partage, de discussion, de voyage, d’envie, de rêves concrétisés… Dur dur pour certains de se séparer mais ils doivent poursuivre vers El Bolson et le Nord.

Le lendemain, on se repose, on mange, on se trouve des habits et gants, un nouveau réchaud, à gaz celui-là (Alléluia !), on regarde en direct le débat présidentiel de l’entre deux tours et on fait les courses pour 2 jours jusqu’à la prochaine bourgade: Tecka!

3 commentaires sur “Argentine Patagonie – Esquel – J722 à J725

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  1. Hello les 4 aventuriers,

    Toujours aussi beaux cette nature argentine, mais le vent ne vous lâche pas, ça n’aide pas dans les côtes!!
    De belles rencontres encore et des français aussi. Profitez pour parler français ,vous allez finir par l’ oublier quand j’ai entendu lors de l’interview votre facilité à parler espagnol!!
    Les lapins ont joués le rôle des cloches , Raphaël a une logique évidente , ils sont trop top vos 2 enfants et toujours une imagination débordante.
    Profitez donc de ces quelques jours de repos ,qui a l’heure ou je vous écris doivent être terminés, « requinquez »vous un peu pour affrontez la suite de votre aventure.
    Aujourd hui 1er Mai je vous adresse par la pensée un petit brin de muguet qui vous portera bonheur 👨‍👩‍👧‍👦.
    Bisous à tous les 4

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  2. Contente de lire que tout va bien pour vous 4 avec de belles rencontres et que la progression vers Ushuaia se passe bien… bonne continuation à bientôt
    Annie-France

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  3. Pour la chasse aux oeufs, je ne désapprouve pas, bien au contraire, rappelle toi tous les ans dans le jardin et même avec Emma et Raphaël, les oeufs cachés sur la plage de Pors Ar Villiec à Locquirec.
    Très contente de cette rencontre entre français, c’est toujours beaucoup de plaisir pour vous et pour les enfants. Félicitations pour l’interview en espagnol, j’étais épatée, bravo à vous deux !! bizz

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