Argentine Patagonie – Derniers tours de roue dans la province de Santa Cruz… en bonnes conditions! – J784 et J785

J784 – Samedi 18 juin – Rio Gallegos à Bivouac au pays des sconses – 37km D+127m


Quel plaisir d’écrire de nouveau! D’essayer de me rappeler de notre première journée après la ville, de l’avant-dernière en territoire argentin de ce côté de la frontière chilienne. Et quelle journée! Elle nous a gâtés mais on a tenu!
Après 5 jours de repos, de cuisine, de films et dessins animés visionnés, de bouteilles de vin rouge argentin bu, de correspondance avec la famille, les amis ou les futures collègues, de temps pour prendre soin de nous, de temps pour que les enfants s’amusent à construire une station service en carton ou se défoulent, c’est l’heure de ne pas oublier que nous sommes là pour faire du vélo! Bon, il n’était pas prévu de s’arrêter autant de temps à Rio Gallegos, mais les prévisions météo nous ont amenées à rester aux abris pour laisser passer un sacré mauvais temps… Selon les prévisions, le climat à venir va être difficile mais on ne peut pas attendre indéfiniment avant de reprendre notre aventure. Et ce matin à 8h, la vitesse pour se lever n’est pas la même pour les enfants que celle de la veille pour jouer. Mais ils arrivent à s’extirper du lit, à venir petit-déjeuner à table pendant que nous commençons à nous souvenir de toutes nos affaires éparpillées dans tous les recoins de l’appartement! On se fait même peur devant tout ce bazar. Comment peut-on en avoir autant? Comment cela peut-il tenir dans nos 10 sacoches? Ah bah, ça peut pas, c’est tout! Vive les grandes poches en tissu des magasins: 2 de plus pour chacun! On n’est plus à ça près. L’excuse c’est que nous avons prévu 5 jours de nourriture avec beaucoup d’extra : gruyère râpé, petits oignons au vinaigre (pour les sandwichs) ou oignon séché, mélange de fruits secs, blancs de poulet cuits en sauce et tabletteS de chocolat. Notre sens de l’organisation revient rapidement avec les gestes adéquates pour mettre les bonnets, tours de cou, gants (parfois 2 paires l’une sur l’autre), pantalon de pluie (contre le vent). Car ça claque à la sortie de l’appartement. Le choc thermique direct! -3 dehors sans compter le vent. Un vent glacial venu du Sud, de l’Antarctique quoi. Le ressenti est plus autour de -10°C. Et dire que c’est la canicule en France!


A 10h, pour nous, c’est la confrontation avec le soleil enfin levé, le froid et le vent. Il nous reste moins de 600km, et après tout ce que l’on a vécu, cela ne nous fait plus peur ces 2 ou 3 semaines prochaines. Le mental tiendra. (Je vous le dis tout de suite, après cette première journée, on a changé d’avis!!). Nous traversons la ville de Rio Gallegos, en double voie, en essayant par 2 fois de récupérer du liquide, en vain. Le vent nous glace déjà le visage et les doigts alors que nous sommes protégés par les bâtiments. Ça promet pour la suite. Et elle fut dure pour moi. Impossible d’avancer, même avec les vitesses les plus faciles. Nous sommes sur du plat pourtant, c’est à ni rien comprendre. Raphaël m’aide aussi, mais nous devons être définitivement trop chargés. J’appuie à fond mais je vois désespérément le Panzer s’éloigner, ne devenir qu’un tout petit point sur la route. On se questionne: ai-je perdu de ma forme et force musculaire en si peu de jours? Les tablettes de Crunch sont-elles de trop dans la sacoche? Nann. C’est juste mon pneu avant qui est dégonflé, après au moins 5km de dur labeur. La tuile, mais une bonne nouvelle de savoir que l’on pourra avancer un peu plus vite ensuite, que ce n’est pas tout à fait à cause de moi si Sylvain et Emma s’arrêtent si souvent pour nous attendre. Alors, regonflage et mise en place du produit à l’intérieur de la chambre à air et nous repartons sur la route 3, confiants.

Les camions sont plus nombreux que les voitures sur cette route en direction de la frontière à seulement 60km de nous. On pédale et on sort enfin de la zone urbaine, de ces quartiers construits et séparés par des champs énormes, un peu éparses. On reprend une allure convenable jusqu’au poste de police et barrage suivant à 4km. Encore un arrêt et une perte de temps pour sortir les passeports bien au fond de la sacoche arrière sous celle de nourriture. Sylvain en profite pour discuter avec un agent qu’il lui dit que nous ne sommes plus qu’à 300km (euh, c’est plutôt 600km en comptant le Chili) et confirme la venue de la neige quelques kilomètres devant nous… A voir en temps voulu.

On repart une nouvelle fois sur la route nationale 3 mais pas pour longtemps. Nouvelle péripétie : je n’avance plus: la roue avant du Couillot est crevée. La tuile 2. Cette fois, c’est le changement complet de la chambre à air (puisque la précédente contient du produit et ne peut être patchée). Il fait tellement froid que ce n’est pas évident d’enlever les gants pour réparer le vélo. Les doigts gèlent et piquent très vite. Mais Sylvain y arrive et nous répare tout cela, en profitant pour resserrer les freins. Il est maintenant midi bien tassé, et les vélos n’ont parcouru que 16km. L’objectif des 60km aujourd’hui s’éloigne aussi vite que les brindilles d’herbes sous ce vent. Nouveau départ, avec le vent de face, les ponchos rajoutés sur les enfants transit de froid. C’est bien plus dur que l’on ne se l’était imaginé. Plus rude cette fin de parcours. Notre mental est là pour les adultes mais Raphaël craque. Il aimerait déjà être au campement. La fatigue de toutes ces soirées où on les a entendus Emma et lui  bavarder à pas d’heure dans la pièce à côté lui joue des tours aujourd’hui par la difficulté de cette force qui nous pousse vers l’arrière. Nous nous arrêtons donc rapidement au carrefour suivant pour déjeuner à l’abri d’une butte.

Chacun mange à sa convenance mais franchement, aucune envie d’élaborer un superbe sandwich avec certains de nos extras. Les doigts gèlent dès leur confection. C’est au lance-pierre que l’on pique-nique pas loin du passage d’un renard gris. Raphaël trop fatigué, préfère s’allonger sur Sylvain puis moi. C’est très rare de voir notre loulou ainsi. Nous sommes vigilants et à son écoute. Oubliée la Laguna Azul à 45km qu’on nous avait recommandé, nous nous arrêterons plus tôt, en fonction de la famille, de la fatigue, de l’heure et du vent terrible qui a pris de la force durant notre arrêt. La réalité de notre voyage, de cette saison hivernale, est bien en tête maintenant. Ces 600km seront éprouvants, la Patagonie et la Terre de Feu se méritent, c’est compris! Notre confiance sur cette fin, après tant d’aventures, sur l’approche d’Ushuaia sans peur, et bien, ça a changé dans notre petite tête.

16km ce matin en 3 heures sur du plat, vous devinerez aisément notre vitesse, notre progression en pleine nature à contre sens du courant. On est épuisés mais nous devons nous rapprocher au maximum de la frontière pour obligatoirement la passer demain avant 17h30. Pourquoi? On a assez de nourriture pour prendre notre temps? Seulement le gouvernement chilien demande à tous les voyageurs désireux d’entrer sur leur territoire de remplir un dossier juridique, une déclaration pour chaque voyageur (fait hier en 3h en tout pour nous 4 et avec des cheveux en moins!). Et cette longue et fastidieuse déclaration n’est valable que 48h. Demain après l’heure indiquée au-dessus, l’accès au Chili nous sera refusé sans ces documents. On espère pouvoir progresser de 20km au minimum cet après-midi afin d’espérer passer sous la barre des 30km à l’approche de la frontière.
On s’y remet donc, avec une aide pour le Couillot: la corde. Histoire d’être ensemble, de rester pour moi dans le rythme sans décélérer. Les enfants sont emmitouflés et cachés sous les ponchos, même la tête. Ils n’ont pas froid.

Raphaël est juste fatigué et s’endort parfois. Mais il sera réveillé par mes cris quand je lui intime l’ordre de plier ses jambes sous le poncho pour se protéger de la tempête de neige que nous subissons. Ah oui, cette journée de reprise nous en met plein les yeux pour éviter de s’ennuyer. Au moins j’en ai à vous raconter ce soir. De la neige venue du Sud, nous fouette le visage apparent, traverse la route et balaye tout sur son passage, s’insinue sur les sacoches et poches accrochées. Le ciel s’assombrit, devient gris, comme pris dans un brouillard nous ne voyons plus rien à 50m autour, comme avalés. Nous espérons que cela ne durera pas les 10 derniers kilomètres du jour. Le vent forcit, nous déstabilise, nous envoie sur le côté. Mais on résiste, on prouve que l’on existe. On ne pose pas le pied à terre, on avance mais c’est dur, très dur. Sans craquer, on en sort. Le ciel bleu apparaît de suite, la démarcation avec le nuage, la tempête de neige/ grésille est très nette. On le regarde s’éloigner derrière nous englobant la route et le paysage de champs autour. L’horizon a disparu. On préfère regarder vers l’avant, plus joyeux. Des épisodes de cette sorte nous en aurons un second, moins long tout de même. Il ne fait que passer, à nous de se dépêcher pour en sortir!

Quelle rudesse et quel questionnement avec Sylvain sur la marche à suivre pour maintenant. Il est 16h30, 37km réalisés. La frontière est à 33km. Et demain, devinez? Non, pas de canicule pour nous, mais du vent PLUS ➕ fort avec rafales à 80km. P…

Avance-t-on encore malgré la fatigue de l’organisme ou nous arrêtons-nous dans ce renfoncement que nous avons repéré tous les 2 sans se consulter? (L’expérience nous fait repérer le moindre espace potentiel de bivouac à l’abri du vent). Seconde option. On vérifie la platitude et grandeur de l’espace avant d’être validé. Les enfants sont ravis, nous aussi. Nous verrons demain comment rallier sereinement la frontière dans les temps, quitte à demander de l’aide. (Idem, tous les 2 avons eu la même réflexion sur les possibilités d’arrêter une voiture si besoin).
Pour l’instant, la tente se monte à l’abri du talus et s’arnache avant que les enfants filent à l’intérieur, Raphaël pour dormir, Emma pour dessiner, et que Sylvain se rende compte qu’on est entourés de trous de putois! Morts de rire!

Tout se met en place à l’intérieur et dans l’abside, il est 17h30 lorsque le cuistot commence son service. On a (presque) tous très faim. Autant dîner plutôt que de goûter et d’attendre tard le dernier repas. Nos extras de nourriture vont combler nos papilles avec un lait chaud et du thé/café. Nous n’avons pas bu de la journée, je n’ai pas détaché ma gourde puisque le vent me demandait trop d’efforts pour garder l’équilibre, pour me tenir réchauffer et ne pas me refroidir d’une gorgée d’eau gelée. A l’intérieur de la tente, sur nos matelas, nous mangeons à la frontale. Il fait déjà nuit à 18h. Raphaël est toujours endormi. Nous préférons le laisser dormir, afin qu’il récupère. Quand il aura faim, il se réveillera même si c’est en pleine nuit, pas grave.
Grand repas à 3 donc, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Et l’occasion de se taper un fou rire avec Sylvain sur la date du jour: 18 juin (qui n’a rien de drôle en soi). Nous parlons de l’appel à Emma qui nous répond: « Quelle pelle? ». Celle du Général de Gaulle bien sûr. Et hop, un peu d’histoire qui étouffe nos rires. Elle était énorme et si inattendue celle-là. (Elle connait quand même un Général… mais San Martin, bien plus célèbre de ce côté-ci de l’Atlantique, l’histoire s’adapte aux pays que nous traversons). Et rangement de toute la nourriture, poubelle, vaisselle sale afin de ne pas attirer dans notre abside une autre créature malodorante. Nous préparons et mettons notre loulou dans son duvet alors qu’il était encore en doudoune avec gants quand il a sombré dans les bras de Morphée. Le froid seul est déjà usant pour lui, pour eux. Alors avec ce vent qui accentue le phénomène, c’est normal qu’il soit ainsi fatigué. Tous les 4 au lit, avec plusieurs couches de pyjama de la pointe du bonnet aux chaussettes, nous réalisons qu’il n’est que 19h15 un samedi soir sur la terre. Emma lit par-dessus mon épaule le temps de l’écriture, Sylvain essaye de se réchauffer les pieds (humides de la journée avec ces chaussures trop hermétiques, un supplice chaque jour pour lui!) et Raphaël se réveille. Il a même faim. C’est très bon signe. Le cuistot ressort ses gamelles avec plaisir depuis son duvet (vive la proximité de la cuisine…) pour un dîner au lit. Quel soulagement pour nous tous de le voir ainsi, même Emma veut voir son frère manger à la lumière de la frontale, les jambes au chaud dans le duvet. Après une sortie foudroyante, non par la rapidité de son exécution (quoique??), mais par la froideur de l’atmosphère à l’extérieur, le vent glacial qui se jette sur nous et nos parties non protégées (on sort juste en polaire par la flemme de remettre les 3 couches de vêtements). Hop, hop, au lit, à 20h30 cette fois, au bruit du vent qui joue avec la toile de notre maison, mais encore sur mon écran pour finir de raconter cette belle mais folle journée. A demain!

J785 – Dimanche 19 juin – Bivouac au pays des sconses à ???? – 46km D+143m Surprise


La nuit fut fraîche, tout a gelé, même la toile intérieure, même nos eaux dans 3 des bouteilles et la poche de 10 litres transformées en énorme glaçon de 10kg. Autant vous dire que ce fut difficile, rude de s’habiller, de remettre par dessus nos vêtements thermiques déjà en place de la nuit, tout notre attirail avant d’aller au petit-déjeuner servi dans l’abside. Pendant le rangement, chose inhabituelle, les enfants préfèrent rester sous la toile à l’abri de la neige et du vent venu de l’Ouest plutôt que d’aller jouer. On démonte même l’intérieur de la tente, afin d’avoir une partie encore sèche à la prochaine ouverture pour laisser de côté la toile avec ces glaçons. Mais, la nuit, la neige sur les vélos, la toile, le vent, tout cela ambiance notre réveil à 8h. Les doigts souffrent de ne pas être protégés car utilisés pour ranger correctement et serrer ce qu’il faut. On se prépare aussi bien physiquement que mentalement pour cette nouvelle journée.


Le ciel est bas, gris, prêt à se décharger de neige à nouveau lorsque nous sortons de notre bivouac à 10h au km 2641 de la route 3. L’objectif premier se situe au km 2674 pour la frontière avant 17h. On démarre avec la corde, pour aller bien plus vite, pour s’assurer une réussite. Les enfants ne sont plus visibles sous leurs vêtements. Emma porte 2 tee-shirts manches longues, une polaire, une doudoune, un coupe vent, un poncho: 6 couches comme son frère. Seulement 3 pour les jambes. Des poches poubelles pour les pieds de chacun. De vraies armures contre cette météo, et ça fonctionne bien selon eux. Raphaël ne voit pas la route, le nez sous le poncho pour se protéger du vent et garder sa chaleur. Je lui indique à chaque panneau indicateur les km parcourus ou ceux restants (faisant du calcul mental par la même occasion). On est tous les 2 impressionnés par notre avancement rapide sur cette route, en légère côte, parmi la pampa, avec les collines au loin qui doivent marquer la frontière. On les a dans le collimateur. Le vent vient de notre côté droit, nous pousse mais ne nous ralentit pas trop. On profite de cette accalmie météorologique pour avancer un maximum, se disant qu’il peut arriver des tas de choses (ce qui sera le cas!!). 11km en 1h15, c’est le moment de savourer une halte sur le bas côté, le Panzer appuyé sur un poteau à défaut de sa béquille cassée. 1/3 de fait de notre objectif journalier. Le soleil s’est levé et éclaire timidement le ciel bleu et nuageux.  Il fait toujours froid et les doigts et pieds des adultes ont du mal à se réchauffer. Ils nous brûlent, on les bouge, les plie, mais la chaleur a des difficultés à revenir. Quelques minutes suffisent pour que l’on se refroidisse, alors on remonte sur nos tandems et repartons, confiants pour 9km encore, histoire de couper équitablement le parcours. Le vent ne nous aide pas mais il ne nous freine pas trop non plus. Prenons le bon côté des choses… pour l’instant.


Déjà hier, nous avions compris que rien n’est acquis. On vous le confirme encore aujourd’hui. Mieux vaut être humble devant la nature. Tout peut arriver sur ces 600km qui peuvent être pires que nos 22 000 déjà roulés. Et tout est arrivé aujourd’hui, comme un condensé de ce que peut nous offrir l’Argentine. C’est d’ailleurs une réflexion que l’on s’était déjà faite avec Sylvain: le premier et le dernier jour dans un pays sont représentatifs de son ambiance générale. Et ce matin, nous croisons guanacos, nandous (comme pour nous dire au revoir), du vent, du ciel bleu, du froid, de l’odeur pestilentielle de putois dans l’air (je vous le jure, on a dû traverser un pet de sconse!), de la neige, de la pluie, mais aussi de la force, de l’entraide (avec cette corde), de l’amour, de l’encouragement, de l’attention… Après notre second arrêt à 20km, nous regardons droit devant nous ces collines, cette arrivée chilienne cachée derrière, à 13km. Mais elle s’efface à mesure qu’elle se fait dévorer par la nuée grise. On la reconnaît, elle annonce la neige, le grésille ou la pluie. Comme il ne fait que 3 degrés, on est sauvé pour la neige, remplacée par de la pluie. Les enfants se cachent sous leur poncho respectif, tant mieux. Pour Sylvain et moi, c’est la douche froide. Le coupe-vent nous protège le haut, mais nos pantalons, nos chaussures, nos gants, notre visage, nos yeux, tout est fouetté par les 80km/h de vent et par ces gouttes de pluie qui nous assènent indéfiniment. On ne capitule absolument pas, on ne s’arrête pas. Pas la peine de se le dire, nous nous connaissons bien, il faut continuer puisqu’il n’y a aucune protection ici, il faut traverser ce nuage, il faut le passer le plus vite possible, il faut serrer les dents, il faut appuyer plus fort sur les pédales dans cette côte continuelle. Même pas réfléchir, ça n’en vaut pas la peine. Sur 10km, nous vivrons cela. Nous verrons et donnerons le kilométrage à nos binômes pour les rassurer de notre avancée, bien que réduite en vitesse à cette heure-ci. Et la pluie cesse, le vent peut maintenant faire sécher nos pantalons trempés sur le côté droit, dégager les nuages et rouvrir ce ciel bleu. Les guanacos réapparaissent à 4km de la frontière, notre dernier au-revoir pour eux.
Les bâtiments se découvrent sur la route avec une dizaine de camions sur le parking, perdus dans la pampa. Aucune ville autour, c’est étonnant et la première fois pour nous depuis le Canada, une frontière en pleine nature. On se gare avec un pneu à plat pour le Couillot, l’arrière. Je file aux guichets de la migration avec tous nos papiers: passeports, l’amende payée pour nos 6 mois sur le territoire, l’assurance, nos vaccins… mais revient aussitôt: nous devons être tous les 4. Je vous passe le couplet où ils ne comprennent pas nos documents de la migration de Rio Gallegos et doutent que l’on ait payé l’amende (conséquente pour nous 4). Manque de pot, on est dimanche et pas de vérification possible par téléphone. Nous ne pouvons que rester face à eux, et attendre. Heureusement, l’agent s’occupe des enfants en allant chercher un radiateur et les amenant à côté sur un canapé! On voit même 2 laits chauds passés… L’attente n’est pas vaine, ils nous croient malgré l’absence de tampon de la Banque Nationale. On respire et récupérons nos 4 passeports tamponnés, direction la douane dans la même salle qui tamponne direct un coupon, validant notre sortie du territoire argentin. C’est assez pratique d’être à vélo pour le coup, ils ne sont pas regardant pour nos sacoches! Hop, les enfants récupérés de leur canapé, une paire de chaussettes offertes par notre douanier, et on remonte en selle pour les bureaux chiliens à 1km.

Il est déjà 14h30. Beaucoup de camions font la queue, une vingtaine en file indienne garés sur le bas côté. On double tout le monde et nous nous retrouvons devant de petites cahutes avec la destination indiquée. C’est parti pour le guichet « transit par le Chili », pour entrer de nouveau en Argentine une centaines de kilomètres plus loin et se diriger vers Ushuaia… qui nous laisse pantois: le transit par le Chili est autorisé depuis le Covid en 1 jour seulement. C’est à dire 237km pour aller d’ici à San Sébastian. Impossible à vélo, d’où l’autorisation donnée qu’aux véhicules et refusée aux vélos. Ah non, hors de question d’entendre ça. Comment détourner cette directive, questionne Sylvain? En demandant à entrer dans le pays pour y rester, au guichet d’à côté. Rebelote, et il nous renvoie au guichet de la DPI, la police pour nous autoriser à entrer sur leur territoire, dans le bâtiment officiel. On y va à 2, sortons nos plus beaux sourires, nos larmes aux yeux, nos revendications de terminer 2 ans de voyage… Après 2 coups de fil, il nous tamponne nos 4 passeports avec le coupon magique d’entrée! Extra! Et la douane qui ne veut même pas regarder nos sacoches et nous autorise à filer. Royal. On retourne à la cahute extérieure qui n’a même pas besoin de regarder nos passeports: c’est validé pour lui. Encore une étape: le passage à la vérification, sur la route. On enfourche les vélos et donnons notre sésame… il y manque le tampon de la douane. Sylvain y retourne, sans inquiétude puisque nous avions eu leur aval. Pendant ce temps, un douanier vérifie que nous n’avons pas de fruits ou légumes, ni de noix, ni de fruits secs ou graines… Heu… Bah non bien sûr, sachant que nos sacoches sont à ras bord de nourriture (pour au moins 5 jours) et de tout ce qui est interdit d’emmener dans leur pays. J’avoue seulement le pain et les nouilles, essentielles à vélo, en rigolant. Ça passe. Mais l’inspection d’une sacoche au hasard le titille et m’inquiète quand il rode vers la sacoche de 35 litres de nourriture. Ouf, c’est celle d’en dessous qu’il me demande de décrocher. Il ne sera pas déçu : les vêtements d’Emma et moi, avec ma vieille brassière usée juste au-dessus! L’inspection est rapide du coup.

C’est parti pour ce 14ème pays, accueillis par le soleil, le vent presque de dos et quelques guanacos dans les champs à 100m. On retrouve la pampa, les camions (moins sympa que les argentins) qui nous klaxonnent pour nous faire sortir de la route sur les cailloux et qui passent à ras. On les avait testés déjà près de Bariloche et Villa Angostura. Faudra se méfier maintenant. Chili nous voilà, le sourire aux lèvres, le ventre creux, à plus de 15h (et oui, entre le très mauvais temps qui n’incite pas à un arrêt pour manger et l’impératif de la frontière…). Mais tiens, d’ailleurs ils n’ont même pas vérifié nos déclarations que j’ai mis 3h à faire! Ni vérifié nos vaccins, ni notre assurance voyage! Ah bah, les boules! Franchement, en 1 mois, ils sont passés de la rigidité : impossibilité d’entrer sans vaccins pour les plus de 6 ans avec QR Code (donc pour nous 4 puisque le Pérou ne nous en a pas fourni, juste un papier… ), demande préalable pour entrer devant être validée mais dont la réponse est entre 1jour et 1 mois, test PCR… au laxisme: on passe tranquille sans test covid, ni vaccins et attestation d’assurance vérifiés comme demandé ! Allez, c’est derrière!

A nous la route 255, et rêvons un peu: l’arrêt de bus pour dormir ce soir, à 14km. La route est plutôt descendante, sans trop de difficulté à part la fatigue et la faim qui me tiraille (donc en manque de carburant)… et le pneu arrière du Couillot qui se dégonfle encore. 2 arrêts à pomper pour Sylvain, en croisant les doigts que cela suffise. Quelle aventure cette journée, récompensée par cette vue d’ici: le bleuté du Détroit de Magellan. On le voit si bien à gauche et face à nous à l’horizon. Il y a 500 ans, il le découvrait avec sa flotte. Magnifique de revenir côté Atlantique après avoir vu le Pacifique au Pérou. Quelle traversée depuis.

Encore quelques coups de pédale pour s’octroyer du repos et un repas digne de ce nom. L’arrêt de bus est en vue, mais il est énorme. Et comme dit Raphaël, les peintures sont belles. Il date de 2016, fait bien 6m², tout en bois avec des baies vitrées donnant sur le Détroit. Un hôtel 4 étoiles nous dit Emma. Heureux, on l’est! On a réussit le challenge du jour. Ce soir, c’est au chaud que nous dormirons. On installe toutes les sacoches à l’intérieur, et le cuistot se met en marche. Un repas chaud, au chaud, sans le froid du vent, sans être accroupis par terre, on tient même debout (les enfants adorent!). Jeux avec leurs voitures et figurines sur le banc pour les enfants (c’est mieux que l’école!), petit café et thé pour les adultes, quand Christian nous fait signe de sa voiture. Il est passé tout à l’heure, nous a vus dans l’abri. Il est revenu de la frontière et nous offre un sandwich, des pommes et une boisson! Quelle gentillesse, ça ne s’arrête pas! Avant de repartir, c’est à nouveau des dulce avec du chocolat qu’il donne. Merci! Tellement!


C’est encore jeux autour du lait chaud, séance de cinéma pour papa déjà dans le duvet après avoir installés les dortoirs, et atelier d’écriture pour moi à 18h30. Il fait nuit dehors lorsque nous 3 dégustons la pomme offerte avec un peu de confiture (Raphaël a retrouvé son appétit!), avant de braver le froid et le vent pour les sanitaires naturelles. Ça décoiffe dehors, un vent de folie avec du froid qui pique la peau. On est mieux à l’intérieur et nous entamons le coucher avec encore un peu de temps pour dessiner pour les loulous. Extinction des feux après 20h30, en appréciant de voir les étoiles de nos lits : extraordinaire pour Emma et Raphaël d’avoir découverts cette vue intense! Je m’en vais en admirer un peu après vous avoir quittés, mais rapidement, le sommeil se fait sentir. Une journée encore belle, pleine d’aventures, de joie, de dureté aussi. Nous avançons petit à petit, nous verrons ce que la nature nous permet, nous ne serons sûrs d’atteindre notre objectif qu’après le dernier col à 50km d’Ushuaia. En attendant, tout peut arriver, la nature fait vite sentir que nous devons rester humble face à elle. Sur ce bonne nuit!

3 commentaires sur “Argentine Patagonie – Derniers tours de roue dans la province de Santa Cruz… en bonnes conditions! – J784 et J785

Ajouter un commentaire

  1. Contente d’avoir de vos nouvelles ; je m’inquiétais pour vous d’où mon post sur FB et mon mail; j’espérais que ce ne soit qu’un problème de connexion
    Quelle fin épique pour ce beau et long voyage ! Vous vous en souviendrez à vie et après cela je crois qu’Emma et Raphaël seront prêts à s’adapter à toute situation !
    Bien sympa (et bienvenu!) ce bel abribus !
    bon , 9 jours ont passé depuis ce jour là; j’espère que vous avez pu avancer ; il reste peu de km mais les conditions sont plus que difficiles !
    Vous pourrez faire une maxi fête à l’arrivée !

    Aimé par 1 personne

  2. Simplement chapeau (très) bas devant la difficulté de votre voyage! En été pour moi ce n’était qu’un peu de vent … bravo encore et encore ! Courage encore et encore !

    J’aime

  3. Un petit coup de mou pour notre Raphaël, de la fatigue, normal après tout ce périple sans oublier les conditions climatiques pas avantageuses pour vous en ce moment… courage mon grand et toi aussi Emma, chapeau pour votre courage et votre volonté. Bizz

    J’aime

Répondre à Jeannette Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑

%d blogueurs aiment cette page :