J230 – Mardi 24 août – Shacsha Rio Pont à Camping area – 47km moins 17km (vous allez comprendre pourquoi!)
Comme chaque matin, les réflexes se mettent en route vers 6h45, un petit câlin de Raphaël et un pour Emma qui est chagrinée. Elle a mal dormi cette nuit et pour cause: son matelas était au-dessus d’elle, donc elle a dormi à même les cailloux. Un gros câlin, de nouvelles céréales mangés dans notre cuisine du jour et ça repart!
2h après le réveil, nous foulons l’asphalte. Peu de monde aujourd’hui, toujours ces montagnes arrondies de part et d’autre de nous. Sans végétation sur leurs pentes. Les roches sont sculptées par le temps, par le vent et la pluie. Une tienda sur notre droite. Une tienda? Surtout des chiens qui nous poursuivent et 3 paquets de gâteaux qui se battent en duel. C’est que nos réserves diminuent. On continue la route qui longe le fleuve en toute quiétude et le canyon s’élargit un peu avec de la végétation. La vie animale reprend aussi autour de nous. Une « zone urbaine » nous est indiquée… enfin une zone urbaine péruvienne! 2 maisons. La zone urbaine est vite traversée mais on y entend facilement notre arrivée avec les chiens qui nous accueillent bruyamment. Heureusement, un peu plus loin, quelques bananes sont en vente, avec des petits gâteaux et des céréales! Une chance.
Petite pause à l’ombre…
On déambule parmi ces montagnes, au gré du fleuve et des tunnels. Quand au détour d’un virage en épingle, nous apercevons sur l’autre rive du fleuve, 2 hommes, en noir, qui se détachent d’un tas…. de charbon. Leur regard et leur attitude nous émeut. Ils travaillent dans les mines de charbon. Une première sur notre droite avec les bois qui maintiennent les parois de la montagne. Ils creusent encore ici. Le fleuve fait un virage, la route aussi et nous les suivons du regard, triste. Comment est-ce possible? Perdus ici, dans de tels conditions. Des baraquements suivent leur tas. Puis 2 autres hommes travaillent près dun tapis roulant surplombant leau, vers l’arrière dun camion. Eux aussi le charbon les a noircis. Le regard triste. Pas de main levé. Le coeur gros. Il y a des endroits, des évènements, des personnes qui vous remettent à votre place, sans rien dire… juste le silence, juste comprendre.
22km ainsi, avec le soleil qui dépasse les sommets aux multiples couleurs autour de nous. Les parois sont devenues plus verticales, la différence d’altitude entre nous et ces sommets nous étourdit. C’est magnifique. On est impressionné par ce débit de canyon. Peu de voitures, mais des bus et des camions sur cet étroit chemin, sans espace pour nous. Et c’est là, que le pneu arrière de Sylvain éclate! Le son se répercute sur les parois. Arrêt net. On trouve refuge sous les rochers (de l’autre côté, c’est le vide sans barrière de protection vers le fleuve, alors quitte à choisir….). La chambre à air a explosé, il faut la changer (une rustine ne suffira pas)… mais en remettant la neuve, Sylvain s’aperçoit que le pneu est ouvert sur 3cm. La tuile. 😵 Perdus sur le bord de route…. à 17km du premier village. Des camions et voitures passent mais personne ne s’arrête. Alors c’est atelier couture pour Sylvain avec l’aiguille et le fil gris à disposition (Merci Mounette pour les cours avant le départ!!). Les enfants en profitent pour jouer à l’ombre avec la cabane confectionnée par Emma avec un t-shirt et un gilet jaune.
On repart sous la chaleur. 4km en croisant les doigts jusqu’à ce long tunnel…. ou résonne dès l’entrée la même explosion. Cela n’a pas tenu! Réaction: on sort du tunnel pour être visible en faisant signe au camion qui arrive. Il s’arrête sur la route (de la même largeur que lui!) juste à l’entrée (ou la sortie suivant le sens!!) du tunnel. 😳 Warnings. Ils acceptent de nous prendre à l’arrière du camion. On détache les sacoches en vitesse, les enfants montent dans le noir. Une famille y est installée sur une couverture parmi un groupe électrogène et des citrons en caissettes. Les 2 vélos mis dedans, nous aussi et ils referment les portes métalliques du conteneur. On ne l’avait pas encore fait! Dans la chaleur, sans aération, sans rien voir des virages et du précipice (ce n’est pas plus mal!!)…. où on commence à se sentir mal. 17km ainsi jusqu’au village de Yuracmarca. Nous débarquons dans la fraîcheur du vent sur nos visages, sur le bord de la route. Un grand merci à eux.
La jante à nu, nous ne pouvons aller bien loin. Le conducteur du camion, en camionnette pour ce coup-ci, repasse et nous indique un restaurant plus bas. 3 jeunes filles, Rominita, Cielo et Louana, s’arrêtent et viennent discuter avec nous. Avant de partir dans le sens opposé au nôtre, elles nous indiquent le même restaurant en nous détaillant la couleur du bâtiment ainsi que le menu et son prix!!! 🤣
On descend à pied en poussant les tandems. Enfin, un peu de repos assis pour réfléchir à la suite de la journée, quelque peu compromise. Un bon repas, de l’eau fraîche, une bonne glace artisanale (fait par la même famille à 2 endroits différents) et Sylvain part à la recherche d’un réparateur…. juste à côté! Entre le resto et la vente de glaces… aussi tenu par Angel et sa famille. Pas de pneu mais de l’idée et de l’entraide: Angel colle un grand patch à l’intérieur du pneu et le recoud également avec du fil plus épais. Pendant ce temps, la rustine mise sur la chambre à air, une glace double boule est engloutie par nous tous au soleil! Le tout est remonté sur le vélo, on vise un camping ce soir à 8km d’ici. Un dernier au revoir et merci à Angel qui rêve de partir pour l’Europe, l’Italie, la France ou l’Espagne pour trouver du travail. Ici il n’y en a pas, pas suffisamment pour nourrir sa famille, de ce qu’il nous dit. Alors émus, nous nous prenons en photo pour ne pas oublier cette rencontre, cette famille.
15h nous les quittons, traversons une partie du village puis descendons vers le fleuve. Nous avons évité pas mal de dénivelés et surtout des lacets juste avant le village!!! 😁😁Sur les premiers mètres, la crainte est présente d’entendre à nouveau ce bruit qui arrête net notre progression et nous fait peur dans ces coins si perdus. La chaleur est de la partie, le soleil cogne fort. Mais le paysage nous fait vite oublier ces aventures. On est à nouveau baigné dans l’immensité de ces montagnes, émerveillés par cette nature grandiose. On descend toujours et traversons un autre village aux étals colorées: Yungaypampa. On y est bien dans la pampa, entourés de roches rouges, ocres, jaunes parfois noires, de cette végétation vert intense jusqu’à l’horizon. Nous suivons la route taillée dans les parois, avec parfois de gros impacts sur l’asphalte dû aux pierres tombées, des passages rocailleux sous des couloirs.
Le « camping » est un petit endroit à l’écart de la route, entre de petits cactus fleuris. Parfait avec la vue sur le fleuve! On y monte la tente, allons nous laver (pour les adultes; les enfants sont propres d’hier!!!) en descendant parmi les rochers et les buissons épineux, remplissons de l’eau pour notre future vaisselle et on remonte au soleil. Ce que l’on est bien ici. Contemplatifs de ces sommets si proches de nous. Ils nous englobent. Puis jeux avec les herbes, photos par les loulous du bivouac et des cactus, rangement, école, préparation d’un bon repas chaud que nous dégusterons sous les étoiles du soir. Des parties de Uno termineront cette journée si remplie. On est crevés mais heureux de cette belle journée si riche!!!
J231 – Mercredi 25 août – Camping Area à Bivouac près de Mato – 30km
Il y a des jours comme ça. Des jours qui nous semblent une éternité. Des jours où j’ai du mal à me souvenir de tout, tellement nous avons vécu de choses extraordinaires. Des jours où tout nous semble dur. Des jours où cela s’accumule et ne s’arrête jamais. Des jours comme ça. Mais à nous de relever la tête et de ne retenir que les bons côtés. Et oui, c’est ce que nous retenons: que les belles choses qui nous entourent ici en pleine nature. C’est ce que je vais essayer de faire pour vous narrer cette journée.
8h20 et nous quittons notre bivouac avant que le soleil nous atteigne dans ce canyon entouré de cactus.
10 minutes plus tard, crevaison arrière pour le vélo Couillot (celui de Raphaël et moi). Quelques mètres sur le coté nous permettent de réparer pour Sylvain, et de jouer pour les enfants avec un clou et notre antivol. Un premier trou est repéré sur la chambre à air. Alors il y met la colle et la rustine, remonte le tout dans le pneu et réinstalle la roue…. Et on sent de l’air qui s’échappe en regonflant le pneu. Misère! Un autre trou. Donc 2ème session de démontage de pneu et de chambre à air, recherche du… enfin des trous! 2 de plus. Donc 2 rustines à coller. On vérifie l’intérieur du pneu. Vu qu’il y avait déjà une rustine, bientôt il y aura plus de rustines que de chambre à air! Pourquoi ne pas changer la chambre à air? Nous n’en avons plus en rabe. Souvenez-vous hier: une chambre à air avait explosé. On l’avait remplacée et cousu le pneu. Cette chambre à air de rechange avait explosé une nouvelle fois avant le tunnel. Alors on avait pris la seconde chambre à air de rechange…. Du coup aujourd’hui on n’en a plus!! On remonte l’ensemble, regonfle le tout.
9h15 on repart de cet arrêt forcé en croisant les doigts. La montée continue, inlassablement en suivant le fleuve, tranquilles, le soleil sur nous qui nous réchauffe et 5km après notre départ, nous entrons dans le seul village de la journée, Huallanca.
Ce midi, pas d’almuerzo sur la route à l’horizon, à nous de prévoir! Alors ravitaillement obligé! Sylvain trouve de l’eau propre, disons buvable sans filtrer! De mon côté, je fais les courses avec ce qu’il y a dans les différentes tiendas. Pendant ce temps, la tuile! 😰 Devinez? Mon pneu arrière est encore à plat… Et hop, rebelote, comme il y a 5km, 2 rustines de plus! Et dire que l’on visait Caraz à 41km, on en est encore loin. Notre objectif s’éloigne quoi!
11h et on retourne à l’état sauvage avec quelques lacets pour sortir de la ville qui nous donne un superbe point de vue sur la vallée, et ainsi entrer dans le Canyon del Pato, à l’endroit le plus étroit, et surtout où il n’y a qu’un arrêt possible en toute sécurité pour manger sur 17km. On avance, on monte, on s’émerveille, on se sent petit, on se sent chanceux, on découvre des sourires et des pouces par des fenêtres ouvertes, on se fait klaxonner quand on n’avance pas assez vite à leur goût aussi (si, si, c’est arrivé plusieurs fois), on se fait klaxonner aussi pour que l’on dégage de là car ils veulent passer sans ralentir, on se sent fort d’y arriver, on se sent fragile face à ce précipice et cet étroit chemin à la largeur d’un seul camion, on se sent minuscule dans les 22 tunnels que nous passerons aujourd’hui. Dans l’un d’eux, un bout d’ancien tunnel est condamné et nous permet de manger à l’abri du soleil et de la circulation, près de pitons et de spits. Oui, oui!! Des voies d’escalade au-dessus du canyon. Le temps de cet arrêt, une grosse pierre dégringole dans le canyon… 😳
12km nous restent avant le bivouac susceptible pour ce soir. On regarde attentivement les bornes kilométriques. On en a plein les pattes! Un feu s’est déclaré au-dessus de nous sur le versant opposé de la montagne. Le vent attise les flammes et le feu se répand. On file rapidement (tout est relatif entre la montée et le poids de nos attirail 😅) à 7km/h??? Des sommets enneigés se détachent des montagnes ocres. La Cordillère des Andes est là !! Une merveille! Un rêve. L’Alpamayo se dresse sur notre gauche, telle une pyramide blanche, à 5947m. Une cascade sort de la montagne et dévale la pente verticale. Toujours étonnés et émus devant de tels spectacles. Une petite tienda est ouverte, perdue sur la route, tenue par une jeune femme et son fils. Nous entamons nos achats directement devant l’entrée où les enfants et leurs yeux font sensation avec les femmes du voisinage et leur propre enfants, qu’elles nous échangeraient bien! Emma n’est pas d’accord! L’accueil est très chaleureux. 3km et on arrive au point final de cette journée…. pas si finie que ça. Descente sur quelques 500m dans les fourrées, arrivant sur un pont non terminé. Un homme en hauteur se détache du ciel et répond « non » de la main quand Sylvain lui dit bonjour. Aie. Le bivouac se corse. Il est déjà parti avant de lui demander l’autorisation… 16h45 nous prenons la décision de rebrousser chemin. On ne prend pas le risque qu’il revienne quand on est installé pour nous dire de partir. Remontée en croisant les doigts pour nos pneus dans ce chemin jusqu’à la route. Constat: il est tard, le soleil se couche derrière les montagnes, prochain bivouac possible (mais non sûr) à 6km, mon pneu avant est à plat!! P…… On a droit de le dire là ! Sylvain le regonfle et on pédale à nouveau en espérant qu’il tienne. Notre moral optimiste s’amenuise.
On essaye sur le côté de trouver un emplacement pour la nuit, mais soit il y a des déchets, soit du charbon! Un dernier essai. Quelques cactus nous cache de la route ascendante, mais pas dans le sens inverse. On est visible quoi. Vulnérables forcément. Alors on se résigne. Dans 30min, c’est la nuit. Trop dangereux de poursuivre plus en avant sur la route. On fait confiance aux habitants du coin. On monte la tente et on cache les vélos derrière. Toutes les sacoches sont mises sous les absides. Les enfants essayent de ne pas courir partout ni de crier. Plutôt des jeux calmes pour ce soir, afin de ne pas attirer l’oeil d’un conducteur. Avec Raphaël, nous préparons un superbe apéro où Emma et Sylvain sont conviés. Le repas est pris à la suite dans la tente.
19h15, fatigués, éreintés nerveusement, nous éteignons la lumière à 1950m d’altitude. Mais dans la tête, que de merveilleuses images de ces panoramas que nous avons traversés. On peut s’endormir… demain est un autre jour!
On trouve des gommes injectables anti-crevaison !
Dans le temps du nom de « Pneumaseal » testée sur un Dakar il y a plus de 20 ans.
Courage
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Le Papy en a ramené une dans ses sacoches!!!
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Coucou les aventuriers,
Et bien ça c’est de l’aventure, je suis épuisée et angoissée rien qu’en lisant ces récits , sacrées crevaisons dans ces paysages absolument superbes mais complètement « paumés » . Moi qui me fait tout un monde quand je crève avec mon vélo et dans la civilisation , je reste stressée après avoir lu vos galères !!
Passages magnifiquement colorés dans ce canyon étroit et tous ces tunels mais aussi angoissant et peu sécurisant .
Allez profitez de cette nature incroyable de beauté ,les photos m’émeuvent !!
Courage à vous , je croise les doigts pour que les incidents techniques ne se renouvellent pas aussi régulièrement.
Bisous à tous les 4
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Probablement que tu devrais réfléchir à l’incidence de ton fabuleux courage est bien réel et pesant sur ta vie donc sur ton engin de déplacement.
Donc une crevaison est une bonne nouvelle qui te renforcera une fois encore.
Un chemin de croix : Annick tombe une fois encore ! Nos prières éclats de rire te renforcent !
Bises de Provence !
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Ca va mieux? Moins épuisée et angoissée??
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A reblogué ceci sur Actu-Prod-Solaireet a ajouté:
Cette famille est incroyable, son histoire au Pérou, les crevaisons ! On prend un immense plaisir à vivre leurs peines et surtout leurs fatigues. Ils restent une famille aimante : une aventure humaine qui va rester gravée à vie dans la mémoire des deux enfants.
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Waouh ! Quelle aventure ! Quelles émotions vous nous faites partagées! Et de quel courage devez-vous faire preuve à chaque instant ! Nous sommes admiratifs et ô combien stupéfiés devant ces reliefs, ce paysage minéral et hostile, ce désert végétal. Les enfants semblent étrangers à tous ces incidents de parcours, préservés par la bonne humeur des parents en toute circonstance. Jusque là, j’avais été surpris, là je resté espanté comme disent les Ariégeois ébahis, comme deux ronds de flan en bon Bourbonnais.
Bon courage pour la suite, chers tandems.
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Oh Patrick!
Merci pour tous ces commentaires et compliments! Nous sommes touchés. A très vite
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Quelles galères et quels courages !!! (c’est volontairement que je les ai mis au pluriel, j’en suis restée toute baba). Tellement impressionnant ce récit que vous partagez avec nous. En lisant votre aventure, on souhaiterait être auprès de vous, pour vous aider à coller les rustines, à regonfler les pneus, pousser les vélos, vous épauler, vous encourager et tenir compagnie aux enfants. Enfin bref, je suis admirative de ce courage que vous déployez devant tous ces événements, heureusement vous avez des paysages époustouflants et hors normes pour vous réconfortez , des instants que l’on ne peut imaginer assis tranquillement dans le canapé ! !!! Il va falloir augmenter le budget « rustines » 😄 nous sommes de tout coeur avec vous. Bizz
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Merci Mounette pour ce commentaire. Tu es auprès de nous comme beaucoup de kos amis et de notre famille.
Merci pour ce soutien si présent!!!
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