J678 – Vendredi 4 mars – Pareditas à Bivouac près du Cerro El Pozo – 50km pile D+713m
Vous y croyez, vous qu’à 18h21, j’ai plus envie de dormir que d’écrire? Que je commencerai bien ma nuit maintenant sous la tente, Sylvain aussi. Mais faut être sérieux parfois quand on est adulte, non? Naaaaaan. Mais je vais l’être pour une fois, alors profitez en!!!
Ce matin, on n’était pas très rassurés en se levant à 7h (pour moi) par la météo vu l’orage et la grêle qui sont tombés à minuit. Les nuages se lèvent et laissent place au ciel bleu et au soleil. Comme le rangement qui succède au bazar de la cabaña sur 2 étages, après la vérification sous chaque lit, dans le frigo etc… A 9h, la famille est fin prête pour quitter les lieux après avoir pris soin de bien tout entasser dans les sacoches, je dis bien, tout tasser, appuyer comme des sauvages car ça ne tient plus les matelas trop gros (pas ceux d’origine), les vêtements trouvés par terre (bien 3 ou 4kg), les vêtements que l’on doit trier et donner en conséquence et bien sûr la nourriture pour nous 4 pour 9 repas (qui ne tient pas dans le boudin de xxxlitres) ainsi que 15 litres d’eau.
Pareditas n’est pas encore quittée pour autant puisque nous discutons avec Jean-Marc, un cyclo français sur les routes depuis 3 mois par Buenos Aires et Ushuaia. Il va falloir tout de même le laisser aller vers l’Aconcagua, à 80km d’ici, pour filer vers le Sud et traverser en 2jours les 150km qu’il a fait la veille.
Nous voici donc sur la route 40, face à l’immensité, à la cordillère des Andes sur notre droite qui nous sépare du Chili, au désert de buissons et d’herbe, à la tranquillité après la bifurcation avec la route 143 pour San Rafael. En effet, nous ne dérivons pas vers l’Est pour cette ville aux Bodegas (hacienda de vin) qui nous rallongerait de 100km. Alors on va tout droit, avec beaucoup moins de circulation puisque beaucoup passent par l’autre route, plus touristique: c’est tant mieux pour nous. La route est à nous, à nous seuls, aux rapaces, au vent, au soleil, à l’asphalte…et pour longtemps. On avance, chacun son rythme, le notre étant bien moins rapide que celui de Sylvain et d’Emma! On passe devant la pancarte pour la lagune Diamante sur les hauteurs de La Cordillère, près de laquelle le 13 juin 1930, Henry Guillaumet, un pilote (et ami de Saint-Exupéry), s’écrase avec son avion. Donné pour mort, il marche pendant 5jours le long d’une rivière pour descendre dans une vallée où le hasard l’a mis sur la route de Juan Gualberto Garcia, un jeune argentin de 14 ans. Celui-ci le soigna, le nourrit et l’emmène à cheval à la première ville , San Carlos, à plusieurs dizaines de kilomètres de là, où il est récupéré par son ami. Jacques chirac en 2001 lui donna la Légion d’Honneur pour son acte d’entraide envers l’aviateur.
1h passe déjà lorsqu’une petite pause boisson (pas vraiment) fraîche nous appelle sur le bord de la route en caillou. C’est l’occasion de connaître notre vitesse de croisière : 7,7km/h. Aïe. Ça coincé par rapport à notre objectif initial de faire 80km aujourd’hui… Rapide calcul fait sur le Couillot, soit 80km à presque 8km/h, ça nous donne bien 10h encore de vélo! Ah la bonne blague. Il est 10h30. Mort de rire, on constate dès maintenant qu’on n’ira pas très loin.
Mais faisons par étape: la prochaine, dans une heure pour manger un bout de pain rassis et boire encore et toujours sous cette chaleur. La seconde, à 14km pour notre repas près d’une « correa disfrunta », ces petits emplacements dédiés aux saints pour les voyageurs avec des bouteilles d’eau. On s’y arrête, les vélos mis côte à côte pour tendre sur le dessus notre tarp en guise de parasol. Le déjeuner, je ne vais pas pouvoir vous en parler, je n’ai pas vu grand chose. Patraque depuis ce matin, je n’ai pas envie et ne peux avaler quoi que ce soit. Alors, je m’allonge la tête à l’ombre pendant que le reste de la famille déguste saucisson, pâté, gruyère (c’est fou ce que l’on trouve en Argentine!!!)… Nous quittons les lieux surélevés en rapport avec la route, en se demandant si on ne ferait pas demi tour. On a fait que 22km ce matin et je ne suis toujours pas en forme côté ventre et renvoi! Ça promet pour le reste de la journée… Mais, on s’accroche. Moi le mental et Sylvain le physique, en accrochant une ficelle entre son Panzer et notre Couillot (merci la famille Lamacyclos pour l’astuce). Cette aide va nous permettre surtout d’avoir un bon rythme, de ne pas être trop éloignés et de me soulager sur la côte constante de la route. Je vous rassure, je ne l’ai pas laissé pédaler tout seul avec Emma à nous tracter avec notre poids faramineux. J’ai pédalé tout du long aussi, on a pédalé avec Raphaël pendant 10min, mais cet élan me permettait d’aller plus vite. Et même une fois trop vite! Je n’ai pas l’habitude d’une telle cadence et j’ai dû à toute vitesse pédaler comme jamais: crevée!!! Tout comme Sylvain dont le tee-shirt se fonçait en se remplissant de sueur dû à l’effort de ce tractage.
Le croisement avec la seule rivière non à sec de la région, Papagoyos, nous a permis de rencontrer 3 pêcheurs (venant du lac Agua del Toro), de s’arrêter, de se poser, de discuter et de récupérer 3 litres d’eau. Une chance vu que nous mettrons 2jours encore à travers le désert sans source d’eau possible. 34 km de parcourus à ce stade à 16h… Il nous reste encore quelques efforts à fournir pour atteindre les 50, coupant le trajet de 150km en 3 parts égales (un peu de division pour Emma au passage ne fait pas de mal!).
La dernière portion de 16km sera tout aussi éprouvante pour les 2 tandems, avec un côté physique plus important pour l’équipage du Panzer, merci à eux! Dans ce paysage immense, les nuages atteignent les montagnes, les clôtures empêchent les bovins de traverser la route, les rivières sont toutes en sable, avec encore moins de voitures ou de camions nous doublant et le vent est de dos! L’isolement se fait sentir à mesure que le soleil décline dans le ciel. 17h30 quand la borne nous faisant passer à 50km pour la journée est dépassée. C’est le stop immédiat et la recherche ardente pour trouver quelque brin d’herbe, sans picots pour ne pas crever nos pneus qui aujourd’hui, n’ont pas vécu le rafistolage de rustines, un exploit.
La tente est enfin montée mais pas à vitesse grand V, nous, les adultes n’avons plus la fougue des jeunes à côté de nous, qui courent en jouant à cheval! Le repas est préparé dans la foulée, à l’abri d’une bonne touffe d’herbe. Très tôt, nous mangeons dans l’abside car les vieux que nous sommes, sont crevés, nazes, amorphes. 19h36, nous sommes tous dans la tente lorsque nous entendons les propriétaires faire un tour de leur clôture avec leur chien et leur prise de chasse (tatou). Petite discussion et ils nous offrent l’eau qu’ils ont dans leur gourde.
La fin de soirée se traduit par un atelier écoute d’un podcast par Sylvain, d’un atelier dessin pour Raphaël d’un camion de pompier, d’un atelier écriture pour Emma sur son cahier sur la ville de Mendoza, et enfin d’un atelier écriture sur téléphone pour moi. Les enfants discutent ensuite ensemble sur la vie… et voici un petit extrait :
Emma : « vous avez eu trop de chance. Vous avez vu le passage de mille. »
Raphaël : »le quoi? »
E – « le passage de 1999 à 2000. Nous, on n’en verra pas un. »
R -« c’est sûr on sera trop vieux! »
Moi-« Et puis, si ça se trouve la planète n’existera plus, avec les guerres et la pollution… »
E: « Les hommes sont intelligents. Ils ne sont pas si bêtes que ça. Si ils coupent les arbres, ils meurent! »
Euh…. Je n’ai pas osé leur répondre tout de suite que vu ce qu’il se passe dans le monde, je suis un peu, beaucoup, pessimiste sur le sujet! Disons qu’eux ont compris. Je leur laisse l’espérance de leur jeunesse en leur disant bien, qu’eux, peuvent faire la différence, avec nos efforts combinés !
Je termine notre journée là-dessus avec un joli coucher de soleil visible de notre lit grâce à notre fenêtre ouverte (vu la chaleur si le vent peut pénétrer par ici, ce serait bien).
J679 – Samedi 5 mars – Bivouac près du Cerro El Pozo à El Sosneado – 102km D+710m
Tous les soirs ne se ressemblent pas. Il est 21h15 lorsque j’entame la description de notre journée sous le son des voitures qui n’arrêtent pas de passer à 100m de nous. Et elle est très passante cette route 40 à la borne 3000, où les automobilistes de San Rafael et ceux de notre route se retrouvent. Ce n’est pas très paisible quoi! A l’opposé de notre journée loin du monde.
Ce matin, le ciel est bas, on ne voit même pas la Cordillère, il fait froid, le vent venu du Nord est aussi très présent au petit-déjeuner, et l’on ressort les polaires et les coupes vents. On est passé de l’été avant-hier en maillot de bain au soleil, à l’automne! Dur, dur d’être motivés pour sortir de nos duvets, nous, les 3 marmottes. On s’y contraint mais direction l’abside pour déjeuner à l’abri en 2 temps, car les enfants ont du mal à rester sérieux et chahutent dans la tente.
Le vent de dos nous accueille sur la route 40 ainsi que les nuages qui se dégagent de plus en plus et laissent percevoir le soleil qui se lève. Le paysage est le même que la veille, la Cordillère sur notre droite, embrumée, la pampa à 50km autour de nous clôturée avec ces troupeaux de vaches noires, ces petits buissons et son herbe. La monotonie est le trait de caractère de ce panorama sur nos 10 premiers kilomètres de belle ligne droite. C’est ensuite que cela change radicalement. La descente déjà nous ramène avec les polaires sur le dos, l’arrêt de la musique, la concentration, le sourire aux lèvres à mesure que la vitesse nous grise. Et l’on s’enfonce au fond du Rio Arroyo La Laja, sur son pont, et son eau! Le seul qui ne soit pas sec depuis nos 70km de Pareditas. Cela forge le questionnement sur la sécheresse des lieux et les bovins qu’il faut hydrater… Ainsi que la famille de cyclo. Et oui, ce soir, on devrait être dans la pampa à 50km d’ici et nous avons besoin d’eau pour la journée dans nos gourdes (6L) et pour cuisiner, se laver et rincer les dents, se débarbouiller… et les gourdes du lendemain. Alors, Sylvain y file avec les enfants trop contents de pouvoir descendre des vélos, de jouer, de passer sous la clôture les fesses en l’air, de désescalader, de jouer ensuite dans l’eau. Ils y passeront du temps puisqu’on doit filtrer l’eau avant de la mettre dans notre poche de 10 litres. Je reste sur le tablier du pont à les prendre en photo (à vous des les retrouver sur la dernière photo…) et à me remettre sur pied de mon mal de ventre qui me reprend après le repas du matin. Un petit goûter récompense nos aventuriers aquatiques sur le bord de la route, avant la prise de conscience de la douloureuse suite: la sortie du fin fond de la rivière sur le plateau.
Un peu de musique, et nous nous extirpons de cette cuvette pour un panorama magnifique. Les bords de la rivière sont sculptés par l’eau et le vent en colonne. Le volcan Diamante avec ces 2584m nous surplombe, son cratère et ses pilonnes au sommet. Il est majestueux, seul parmi ce plateau à s’élever et à nous regarder passer. Et l’on passe bien jusqu’à la seconde rivière le Rio Diamante et son pont que nous retrouvons après une belle descente… Nous devons bien évidemment en ressortir comme le précédent avec une jolie petite côte qui nous donne une vue sur le lac Agua del Toro. Il est déjà plus de 13h lorsque nous arrivons sur le plateau. Une heure raisonnable pour arrêter les 2 tandems et les placer entre le tarp tendu pour notre ombre. Car oui, les nuages sont partis, le ciel bleu revenu avec le soleil… et les coups de soleil sur les cuisses! Nous dévorons ce qu’il y a à notre disposition, sans empiéter sur les réserves de demain…
C’est ensuite que tout s’accélère. Après ces 37 premiers km, une côte nous attend sur les 25 suivants. Coup dur, même si la pente est douce. Toujours en musique, on pédale, on se régale du paysage, des « Cerros » autour de nous, de la cordillère si proche, de ces bovins comme tâche d’huile sur la peinture verte et jaune des champs, du silence de la route, de l’isolement. Le vent est notre allié encore cet après-midi. Quelle chance, car à ce moment, on se demande s’il ne serait pas possible de rallier le village à la bifurcation avec la 144? Une descente de 25km puis du quasi plat nous attendent pour la fin de journée. Au village, nous pourrions nous ravitailler (bien que nous ayons largement de quoi manger!!) ou plutôt se prendre un resto et de bonnes boissons fraîches. On va voir. Je reste prudente car il peut toujours y avoir une petite crevaison (ça fait longtemps que l’on n’en a pas eu, 1 ou 2 jours!!). On ne sait jamais. Mais tentons. Les enfants en ont marre, depuis 9h ce matin sur le vélo, la journée leur paraît longue, et ils ont raison! Mais on se lance dans cette descente monumentale. Un vrai plaisir, les pieds sur le cadre, le sourire aux lèvres, l’adrénaline de la vitesse, du paysage où les montagnes encerclent de toutes parts le plateau, comme un rempart à l’horizon, mais à 50km de nous! Cette visibilité est impressionnante. Et on cavale, en ligne droite s’il vous plaît.
J’hésite à poursuivre à sa fin car il reste encore 15km, et le corps se rappelle à nous. Les douleurs aux poignets, aux fesses… Pas de bivouac ici entre la route et la clôture, on n’y serait pas très bien. Alors, en mode « taré du guidon », on continue à 17h45 en se donnant 19h, heure d’arrivée. Va falloir envoyer du lourd pour y arriver, mais le cerveau en off, la sensation de douleurs n’y arrive plus. Et on remonte à du 1% le vent de côté puis de dos, les 5 km jusqu’au rond point puis les 10 restants avant l’arrivée au lieu-dit de El Sosneado. La fin est dure, longue, la route moins lisse, et un loulou qui est déçu de ne pas s’être arrêté plus tôt. Alors, un coup de calculatrice qu’il adore pour jouer, puis de jeux sur le téléphone de Sylvain, et on passe la borne 3000 de la route 40 (on ne s’y attendait pas) en face de la tienda de souvenirs.
Quelques boissons vendues parmi un dédale énorme de souvenirs de cette route mythique, et on ne baisse pas les pédales ni l’attention, jusqu’à la station service où certains ont campé. Pas pour nous ce soir. Ils nous refusent ce privilège. La tuile à plus de 19h30. Marche arrière, façon de parler bien sûr, car même sur nos bécanes, on n’a pas encore ça. Mais on rebrousse chemin jusqu’à un espace avec un barbecue et un site de prière, au bord de la route, visible de tous, pas très propre. Il faudra que ça aille. La tente est montée en quatrième vitesse, les tomates épluchées, les nouilles cuites, les dessins terminés, les gâteaux apéro aussi, le repas avalé et hop, la nuit arrive. On finit à la frontale avec les doudounes et le froid (ou la fatigue??). Je suis crevée et pas très patiente ce soir, vaut mieux que je rentre vite dans mon duvet. La famille suit le mouvement. Il est tard mais nous finissons notre repas par une touche sucrée: des tablettes de chocolat énormes pour Raphaël et Emma qu’ils ont choisi à la station service. On leur avait demandé de choisir ce qu’ils veulent. J’avais fait de même avec Sylvain, qui n’a pas fait gaffe et a dit OK aux smarties… et bien à 21h, il s’en mord les doigts! Voyez la photo avec la taille des gourmandises. Heureusement, nos loulous sont de nature à partager, même un carré de chocolat!
Nous sombrons par la suite, les garçons en premier, les filles à écrire ou lire ce qui est écrit par la première. Je vous laisse donc dans ce bivouac qui ne respire pas la tranquillité d’hier, la nature sauvage, l’isolement… mais qu’importe, des endroits comme ceux-ci nous font d’autant plus apprécier ceux comme hier où le monde nous appartient!!!
Craint t elle les chatouilles Maman Raphaël ?
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hello my french friends , im one of the bikers of « condores catamarqueños », i hope you all be allright and im following all your posts , i send you a big hug
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Quelle belle solidarité et entraide entre vous, très courageux tous les quatre de vous avoir soutenus et aider, les uns tirant les autres, les assistant, les aidant, une belle collaboration bravo!! ! un beau courage. Cependant, prends soin de toi ma « fille », fais attention à ta santé . Bizz
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