J693 – Samedi 19 mars – Chos Malal à Bivouac en bord de route – 40km D+398m
Mon réveil personnel a eu beau m’appeler à 7h30, je n’ai pu émerger que 30min plus tard après m’être rendormie. C’est que mon lit m’a kidnappée, séquestrée au chaud tel Calvin and Hobbes. Heureusement que la douche fut là, elle seule a pu me faire ouvrir les yeux. 4 nuits avec internet et on veut tout regarder, tout lire (du courrier international…) sur les jours où nous n’avons pas eu de connexion, pour rattraper ce retard d’informations. Mais, la réalité d’ici est bien différente de la vôtre en France et en Europe. Beaucoup de rangement et de mise en sacoches sur les vélos déjà rentrés dans la salle à manger, de vérification surtout dans chaque pièce, de petit déjeuner ne l’oublions pas, avec ce grille pain! Ce n’est qu’à 9h30 que nous quittons notre « chez-nous » temporaire, que nous passons voir Gisel pour les au-revoir et pour les mercis de ces moments si chaleureux passés avec elle, pour son sourire et sa bonne humeur qu’on a adoré… tout cela avec des embrassades!
L’heure tourne et nos roues enfin à 10h après le passage obligé à la supérette à l’angle de la Place Sarmiento pour les repas des 2 jours prochains avant Las Lajas, notre objectif à 160km.
En quittant la ville, nous quittons la civilisation, les traces humaines, et de suite les montagnes réapparaissent, les collines, nos buissons, le sable, la route 40, ses motards… et sa police! Sylvain s’arrête au poste de contrôle. Habituellement, de loin, je le vois saluer et passer direct. Mais on n’est pas comme d’habitude. Il se met sur le côté et me regarde. J’ai compris: ils demandent les passeports, ceux cachés au fond de la sacoche noire, bien accrochés sous les 10 kg de sacoche de nourriture… Purée de pommes de terre. Il va se faire tard lorsque nous allons vraiment pédaler!! Mais ils sont sympa ces policiers, qui sortent tous, viennent voir nos bécanes, les prennent en photo, discutent, cherchent sur internet un site de cascade pour nous. On a un capital sympathie avec nos tandems et nos enfants, incroyable!!!! Pendant ce temps, devinez ce qu’ils font: jouer! Et carresser le chat du contrôle. Raphaël va même sortir son pistolet tout neuf et tirer en l’air (ce sont des projectiles en mousse…) pour aller plus haut que leur bannière. Ça les fait tous rire, et c’est sur cette franche rigolade que nous les laissons nous souhaiter bonne route et fêter un bon anniversaireà Raphaël.
Il est 11h05, la vache, lorsque nous nous arrêtons à un monument pour la moitié de la Route 40 qui se trouve à cet endroit. D’ailleurs, sur notre carte papier que nous avons de l’Argentine, on a enfin tourné la carte! On est passé du côté obscur… non, juste sur la seconde moitié… et ça booste!
Maintenant, je vous jure, on a vraiment pédalé, admiré le paysage, le fleuve à côté de nous, le pont traversé, les formes et couleurs des collines de part et d’autres de cette plaine. Sur 10km, on s’échauffe tranquillement. On discute, on se réveille un peu… Puis la pente des 15km de côte arrive à nous. Les voitures et motards nous doublent facilement, peu de camions roulent ce matin. Dans notre rythme, de se dire que dans 2h, nous serons au sommet et que nous pourrons déjeuner, nous avons confiance. Rien n’est plus dure que le Pérou. 2h, c’est rien, on la passera bien aujourd’hui. Surtout que sa pente n’est que de 2%. Alors, on appuie un peu (pour mon coéquipier), beaucoup (pour moi). Le ciel est bas, nuageux, le soleil bien caché, la chaleur aussi, mais pas de pluie de prévu. C’est le temps idéal pour le vélo. Le vent n’est pas un problème pour l’instant, alors on est bien. Et en plus, sur le bord de la route, il y a des ravitaillements. Une poche de bonbons et un ballon de baudruche pour le Couillot, offert par 2 hommes avec qui nous discutons. Je vous l’avais dit: on nous adore. On devrait proposer des enfants à la location pour tout voyage à vélo, non? Car les bonbons, toute la famille en profite.
On continue et on atteint bien la fin, le col, le panorama sur la suite, dans le vent, bien 5min après le Panzer! Quand j’y arrive, le tarp est déjà posé par terre prêt à être recouvert du buffet de nourriture pour ce midi. Enfin, pour ce 14h30 plutôt! On se pose, on mange, on admire les fourmis en train de festoyer sur les feuilles d’un petit buisson, on rigole du film d’hier : »Les bronzés font du ski » (pile à la bonne période pour vous). Cristian apparaît ensuite, ce cyclo argentin venu d’Ushuaia pour traverser tout le continent jusqu’en Alaska. Non mais quelle idée!!! Nous discutons en rangeant nos affaires car il est déjà tard, et le prochain point d’eau à 45km encore… Il nous le confirme. N’ayant pas plus de 8litres, nous ne pouvons bivouaquer plutôt malgré la fatigue. On le quitte avec son vélo, sa béquille fait-maison en bois et recouverte de laine de toutes les couleurs et l’on descend.
Ah oui, c’est bien cool d’apprécier cette étendue devant nous dans les teintes marron, beige, ocre, mais sans vert, sans végétation dense, intense.. Point d’eau dans toutes les rivières que nous croisons, c’est la fin de l’été pour eux. Le temps est sec, le paysage aussi. Lors de notre descente rapide, un sanctuaire a été construit sur notre droite, avec une grande statue, des bougies, des offrandes, des banderoles rouges… et un tuyau d’eau! Sylvain en profite pour remplir nos 10litres qui nous rendent maintenant libre et autonome, pendant qu’Emma et Raphaël posent des questions sur les bougies, les petites cartes de prières, et se mettent aussi à prier. Ce qui nous fait rire, c’est de les voir à genou demander au Saint de ne plus avoir de côtes sur la route!!!
Leur souhait sera exaucé cet après-midi, puisque nous finissons une descente et abordons ensuite du plat. Le temps se rafraîchit, les polaires ont été mises toute la journée, comme si, depuis ce retournement de carte, la météo était plus fraîche, montagnarde à cette latitude. Malheureusement, de mon côté, la fermeture éclaire remplacée de ma polaire (depuis Puno au Pérou) rend l’âme. Je n’ai plus de possibilité de la fermer, ce qui est quelque peu gênant en ce moment même. Une épingle à nourrice calée sur le dossier du siège de mon binôme n’y changera rien: c’est la grand ouverture tout devant. Comme dirait Raphaël : « elle sert à rien cette épingle à nouillette!! ». Ah là, ça m’achève, je suis morte de rire devant tant de compassion et de certitude par notre loulou et de cet erreur de langage. Nous finirons la journée là-dessus, car à 16h30, fatigués, nous préférons chercher notre bivouac entre la route et les clôtures, sur cet espace de 20m de large. Un surelèvement nous met encore plus en sécurité par rapport aux voitures. Ce sera donc ici à 40km de Chos Malal.
La tente est posée et toit affairé à l’intérieur lorsque le soleil se découvre enfin. Les enfants en profitent pour jouer dehors pendant une bonne heure (c’est le temps nécessaire pour tout mettre en place), dans la poussière avec leurs voitures. Ils finiront avec elles mais à l’intérieur sur les matelas pendant que Sylvain se regarde un film et que je sombre de sommeil à 18h.
Le repas se fera au chaud dans l’abside après avoir été préparé dehors entre 2 rochers, au coucher du soleil donnant de belles couleurs à ce relief. Comme le orange de ce camion… Mince, ce ne serait pas Jonathan et Marie qui nous ont écrit? Aie aie aie… Le camion file vers le Nord et nous, sur notre butte derrière les buissons, ne sommes pas visibles. Dégoûtés, on n’aura pas notre apéro 😉
L’immensité, le silence, la vue nous surprennent car nous avons l’impression d’être vraiment abandonnés, loin de tous, presque un peu peur. Habituellement, on en est conscient la journée mais avec le nombre de sourire et de véhicules que nous croisons ce sentiment n’est pas. Ce soir, c’est différent, les couleurs ? peut être la visibilité? (normalement, nous sommes cachés entre 2 buissons et notre vue est réduite…). La minute philosophique s’achève avec le jour et nous rentrons tous chez nous en nous baissant (on est très souples!!!). La nuit arrive, le silence, les crayons de couleurs des loulous pendant 5min avec la frontale, l’ordinateur pour Sylvain et le téléphone pour moi pour m’écrire, pour vous écrire pendant une petite heure encore…
J694 – Dimanche 20 mars – Bivouac bord de route 40 à Bivouac monticule de sable – 62km D+393m
La nuit fut bonne, un sommeil lourd, pas de bruits, pas de chiens, pas de voitures… encore ce matin à 8h à l’heure habituelle de notre réveil. C’est limite assourdissant ce silence, inquiétant de ne voir personne sur cette route nationale. Le ciel est nuageux, l’atmosphère frisquet, très frisquet ce qui nous oblige à ressortir les doudounes! Argh c’est le début de la fin, le début de l’automne et du froid aux mains ou à la tête… C’était bien l’été aussi, non? Alors, sous nos couches d’habits, nous sortons de nos duvets et allons petit-déjeuner dans l’abside. Notre quotidien, notre routine se poursuit dehors, avec les voitures et camions qui passent tranquillement. Et à 9h15, nous sommes prêts!
Déjà sur la RN40, encore avec les doudounes pour les enfants, avec l’absence de soleil et de chaleur, et une légère descente pour nous échauffer.
La journée va nous paraître monotone sur nos 7h de vélo. Monotone, pas par le paysage ni la rencontre furtive d’Argentins, mais plus par ses lignes droites, son absence de village, de couleurs vives, de mouvements, son absence d’animaux. Le paysage figé de ces collines ocres, roses, marrons… n’avance pas très vite. Où est ce nous? C’est bien nous, même dans la légère descente, nous nous arrêtons, « tous les 100m » dira Sylvain. C’est exagéré mais c’est vrai que c’est le sentiment. Un coup c’est pour mettre une veste coupe vent, le coup suivant c’est pour l’enlever avant la côte, un autre pour la remettre dû au vent ou à la pluie, un autre pour les photos, un autre pour les toilettes, un autre encore pour grignoter à 11h… Sommes-nous motivés ?? Pas sûre. C’est encore une journée de jonction avant San Martin de Los Andes et Bariloche, 2 villes au nom connu de la Patagonie.
Les 10km de côte à 2% nous plaisent car nous prenons de la hauteur, de la vue sur le bassin verdoyant qui suit une rivière, sur les collines l’encerclant, sur la vallée plate qui s’étend, comme les points de vue sur la savane dans le Roi Lion! La référence!! Mais c’est vrai que nous profitons ainsi du panorama, de la nature, de son immobilité minéral, de la sécheresse de ses rivières. Pas une ne pourra nous fournir de l’eau. Heureusement, sur Ioverlander, à un point à 500m du col, une table, un toit et un robinet sont disponibles pour les voyageurs, depuis déjà quelques années au vu des écritures sur les piquets en bois de l’appentit. A 13h après 33km, c’est notre arrêt pique-nique en compagnie d’un chat. Il nous reste suffisamment: saucisson, œufs durs, pain, fromage et fruits offerts par 2 automobilistes dans la côte précédente. Offre furtive, je n’ai pas eu le temps de discuter avec eux pour leur demander leur nom. Ils sont partis aussi vite avec leurs sourires. Merci à eux.
Notre route de l’après midi ressemble à celle du matin, mais en plus rapide avec une belle descente. Toutes les couches de vêtements sont remises pour ne pas s’enrhumer et nous grapillons des kilomètres ainsi. Autant la pente fut conséquente au début, autant elle disparaît à la fin des 29km suivants, donnant lieu à des légers plats montants… Ça ruine ma vitesse et accroît mon écart avec le vélo Panzer. J’admire alors le paysage, les buissons, la chaîne de montagnes que l’on vient de passer et qui se retrouve sur notre gauche, le domaine militaire chinois avec son antenne (plutôt pour la recherche nous disent des locaux, à vérifier…), les 2 rapaces, les papillons, les rivières sèches par dessus lesquelles nous roulons. Mais ce que nous nous sentons libres ici. On comprend mieux pourquoi un incendie ici ne pourrait pas être facilement stoppé…
A 16h15, la lassitude et le vent de face amènent l’équipage Sylvain et Emma à s’arrêter sur le côté de la route, à la recherche d’un bivouac. Le terrain est plat, on peut être cachés de la route par des monticules d’herbe. L’endroit est tranquille et après son inspection par Sylvain, validé. Branles bas de combat, les 2 tandems sont poussés dans le sable parmi les terriers de…. on ne sait pas! Tatou? Renard? En tout cas, un petit espace plat entre, nous permet d’étendre nos 5m de toile et les 2 vélos.
Les enfants ont déjà trouvé leur terrain de jeu, construisant leur maison, leur cabane, aux jeux de rôles… Ensuite, cela se passe sous la tente avec une séance de cinéma, ou bien de l’école, ou bien du bricolage pour la préparation d’un spectacle, ou bien de l’écriture de journée, ou encore l’invention d’histoires avec les ambulances et hélicoptère… A vous de choisir votre atelier avant le spectacle de Raphaël et de ses marionnettes confectionnés avec de la mousse, un crayon, du scotch et du papier pour les visages, avant le concert d’Emma et Raphaël « Le lion est mort ce soir » en chœur et en canon, et enfin avant le repas pris sous l’abside, notre salle à manger. Le vent est tombé, le soleil aussi, nous aussi.
Petit passage par la salle de bain extérieure puis notre séance de cinéma familiale commence par la fin du visionnage « des bronzés font du ski ». Hilares nous le sommes tous les 4, difficiles la mise au calme pour la nuit… mais on y arrive avec des câlins. Raphaël s’endort alors que je n’ai pas terminé mon écriture, pourtant déjà écrite à 90%. Emma est derrière moi à lire par dessus mon épaules à 21h30. Toujours en musique je sombre sûrement avant elle…
Bonjour mes aventuriers,
Que de kms parcourus, la Patagonie, ce nom me fait rêver. Grace à vos photos et récits mon rêve est un peu réalité.La beauté du paysage, ces couleurs orange, jaune, ocre ,la gentillesse des Argentins ,quel régal pour vous.
Emma et Raphaël sont trop supers, une imagination impressionnante à se fabriquer des jeux avec ce que la nature leur offre.
Encore une demie Argentine avec les polaires …et le but final sera atteint .
Profitez bien, prenez soin de vous , je vous fais plein de gros bisous
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La Patagonie un nom qui fait rêver, vous vous y êtes des paysages grandioses, des habitants merveilleux et vous resplendissez même si c’est « dur-dur » parfois…
Bonne continuation à bientôt
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encore un beau compte-rendu; on imagine les paysages , la route longue et parfois monotone, les Argentins conquis et bienveillants (ils ne doivent pas vor souvent une famille de bicis) , les bivouacs au milieu de nulle part, les enfants qui jouent avec si peu au niveau matériel mais avec une grande richesse créative ! Je pense qu’ils sauront s’adapter à bien des situations après ce périple !
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Une petite prière ne fait pas de mal quand on fait un si grand périple (clin d’oeil à mes petits chéris)….. et toujours mes chers petits enfants à l’imagination débordante et fructueuse , enrichissante, ils se créent un imaginatif au gré des paysages et des rencontres, fabuleux !! Merci à toi de prendre le temps de nous relater votre aventure au détriment de tes instants de sommeil si précieux. Prenez soin de vous, bizz
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Phénoménal que de satisfaire et d’apprécier ce qu’uniquement la nature vous offre!!!
Une belle leçon de simplicité et d’authenticité qu’offre à qui veut l’attendre les vrais valeurs dont chacun pourrait s’inspirer.
Bonne suite en Patagonie.
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