J695 – Lundi 21 mars – Bivouac Dune à Bivouac ancienne Ruta 40 – 45km D+575m
Et bien ce matin, on a été efficaces comme hier. Le lever n’a eu lieu qu’à 7h30, mais à 8 nous étions lever, peu de temps après, nous entrions déjà dans la cuisine pour le petit-déjeuner, et à 9h15, déjà sortis de la maison, bien rangées et habillés. Royal! On passe sur les traces de renard que nous avons vu, sur la superbe vue autour de nous des collines orangées, sur le soleil qui réapparaît en ce premier jour d’automne, sur les lueurs qui frappent petit à petit la tente… C’est toujours un ravissement pour nous que de vivre cela, seuls, de vivre un lever du jour dans les teintes grises/jaunes/vertes selon les arbustes et buissons.
Alors, très tôt ce matin, nous pédalons! Enfin plus tôt que d’habitude, vu que l’on se couche tôt, il n’y a pas de miracle! La route est tranquille, asphaltée, le vent absent, peu de circulation, le soleil qui nous réchauffe, du plat faussement plat, des collines aux milles couleurs… et un chemin en terre à 9km de là. C’est l’entrée de l’ancienne ruta 40, qui longe la rivière.
A ce moment, on change de paysage radicalement, on se rapproche de ces collines, ces falaises de 50m, de cette rivière et ses rives verdoyantes. On est à nouveau seuls au monde sur les 22km. Juste une voiture nous dépassera et un renard roux passera devant le Panzer. La route en ripio (petits cailloux), les maisons abandonnées, la mine abandonnée, la solitude, la proximité avec ces buissons, l’absence de présence humaine et de ligne électrique, nous emporte dans un autre monde. Et quel monde! On adore, on profite des méandres de la rivière, des couleurs, des reflets du soleil dans l’eau, des virages de notre chemin. Une impression de Far West, quoi. Parfois notre chemin nous fait surplomber le paysage, nous fait couper une colline de terre que nous traversons, nous fait admirer la nature, nous fait aimer notre décision de passer par ici pour arriver sur Las Bajadas del Agrio (où on est censés voir une superbe cascade). Le ripio (ex ruta 40) dure 16km avant de rejoindre la route provinciale 14, de passer par-dessus le Rio Agrio, cristallin, limpide, rapide, frais, propre, sans déchets… et de continuer sur un ripio! Ah non, on pensait attaquer sur le goudron jusqu’au village. Encore 6km, après ce pont, où les camions déversent de l’eau sur le chemin pour le durcir et éviter la poussière, pour remonter le Rio, filer au pied des falaises et accéder au village.
Las Bajadas del Agrio, village avec beaucoup de verdures, d’arbres, de pelouses, de petites maisons en rez-de-chaussée, nous le traversons à la recherche d’un petit restaurant et d’une tienda avant sa fermeture (il est déjà 12h30…). Nous la trouvons sur le chemin principal, je file à l’intérieur avec Emma et dévalise pour ce soir, pour demain midi… et finalement pour ce midi puisque resto, il n’y a pas! La place principale, son herbe, ses jets d’eau, ses tables en bois et ses jeux d’enfants sont notre paradis du midi, surtout celui des enfants qui dévorent leur sandwich avant d’aller se défouler. Sylvain s’occupe plutôt de son rayon arrière encore une fois, au soleil. Un peu de chocolat Aguila (marque recommandée par Ana, la cyclo rencontrée en Bolivie à Tupiza au jour de l’an) et de pain, et nous quittons notre halte vers le Sud. Les policiers qui sont venus nous voir en plein repas pour nous demander nos passeports, nous ont recommandés le camping juste à côté, mais nous préférons avancer sur les 40km de ripio suivants avant le prochain village afin de limiter notre grosse journée demain.
Alors, à 14h, on quitte la verdure et amorçons la côte de 4km, en virages successifs, en slaloms parmi les falaises de terre, au soleil et avec le vent dans le dos, comme un troisième pédalier. La poussière, les cailloux, la lenteur seront les maîtres mots de notre après-midi sur les 11km devant nous. C’est dans la globalité montant, même le plat ou la descente ne le sont pas réellement mais le plateau est à nous. Sauvage, venteux, isolé, grandiose… On avance tranquillement chacun à notre rythme, en zigzag sur le chemin pendant 2h15. Et ce qui nous attend là-haut est superbe: des roches rouges s’élèvent des champs de buissons, des rocs, des piques, que dis-je une péninsule ? Non. Mais, la nature nous émerveille une fois de plus, le calme, le silence, l’immensité sauvage…
Sylvain avait dit que l’on s’arrêterait à 17h. Il est un peu tôt pour s’arrêter de pédaler mais la fatigue de la famille l’emporte. Des expéditions partent à 3 dans ces contrées, mais par deux fois, reviennent bredouilles: le terrain n’est pas plat, les buissons et piques sont légions (non merci pour les pneus et le dessous de la tente), le vent trop puissant. Il fera même vaciller nos vélos à l’arrêt pendant la recherche. Finalement, l’heure tourne, les pédaliers aussi, et nous ne trouverons un bivouac qu’à 16h55. 11km depuis notre déjeuner fini à 14h15… C’est dire la côte, les cailloux et leur instabilité ainsi que la beauté du coin.
La toile, les arceaux seront tenus de toutes nos forces avant que les sardines ne soient bien enfoncées et les haubans mis. Le vent amène des brouettes de sable à l’intérieur, sur le tarp et dans la tente. Nous devons tout clôturer, tout verrouiller (le pare-neige de la moustiquaire), faire des remparts à l’intérieur en bas des bavettes avec nos chaussures et sacoches pour réduire cet apport sableux. Et pendant ce temps, devinez qui s’éclate dans le monticule de sable voisin? Nos chers loulous avec une bouteille en plastique remplie de sable et une figurine de la fée clochette trouvée par terre par papa. C’est leur terrain de jeux, ils creusent, s’inventent des histoires, croisent un scorpion… jusqu’à une heure raisonnable pour rentrer se débarbouiller et se poser à l’intérieur.
L’une fera du coloriage pendant que l’autre provoque des accidents entre son hélicoptère et son ambulance! Nous, on se repose, s’épile, s’endort, commence à écrire, commence à regarder le chemin de demain, le dénivelé et les km avant le prochain village pour l’eau et la nourriture. Les basiques auxquels nous devons penser tous les jours. Puis, une petite séance de cinéma imprévu se prévoit dans la chambre à coucher pour oublier le vent qui s’engouffre, bruyamment chez nous. Impossible de cuisiner, de lancer une petite flamme pour les pâtes. Alors, le pique-nique ressort de la sacoche, accompagné de tout ce qui nous fait plaisir, tomate, chou, fruits et gâteaux sucrés. La nuit est déjà tombée mais pas le vent. Nous tentons une sortie pour la salle de bain extérieure. On ne fait qu’un convoi pour épargner nos fermetures éclairs à la frontale. C’est un ciel étoilé, la voie lactée si pure et une étoile filante que nous admirons. La chance d’être isolés, perdus ici.
La fin de journée est pour la mise en duvet, les parents, nous sommes plus rapides que les jeunes! Plus fatigués aussi et plus pressés d’être au chaud. Les jeunes vont donc sortir, étaler leur duvet, se metre en pyjama, enfiler les jambes dans le sac à viande et le duvet, et accrobatiquement, arriver à descendre en gardant les 2 couches à leur tête, tout ça à la frontale. C’est drôle de les voir tous les deux, très tranquilles, grandir et être « benèzes » à faire leurs petites affaires. Ils sont au rythme latin: » no te preocupe! ». Sur ce et en musique, je vous laisse pour ce soir…
J696 – Mardi 22 mars – Bivouac ancienne ruta 40 à Mariano Moreno – 32km D+113m
Vous n’allez pas me croire, mais est ce possible d’inventer de tels trucs???
Quand nous sommes partis ce matin à notre heure habituelle du bivouac parmi les buissons, celui où les fermetures ne ferment plus à cause du sable, celui du vent qui s’est enfin arrêté dans la nuit au matin seulement, celui de la superbe nuit étoilée et de sa voie lactée si visible, celui du soleil qui effleure la toile au petit déjeuner, nous pensions aller sur Zapata, la grande ville de 30000 habitants afin d’y faire une halte et d’aller sur Neuquen pour la migration et la prolongation de notre visa. Mais vous avez lu le titre de la journée… Nous n’y sommes jamais arrivés à Zapala.
Nous avons poursuivi le ripio sur 22km, et franchement, ce n’est pas un exploit en tant que tel pour nous, mais pour nos fessiers, si! Ils en ont assez de ces secousses. Les cailloux n’étaient pas trop gros, les pneus ne s’enfoncaient pas trop, le soleil chauffait juste ce qu’il faut pour que nous n’ayons pas froid dans la pente descendante, le vent ne soufflait plus, le paysage était tout aussi magnifique que la veille sauf lorsque notre visibilité était réduite par la poussière des véhicules que nous croisions, la lune était encore dans le ciel. Le dénivelé était derrière nous, la veille. Alors sans stress on a avancé. Pas de rivière, mais du sable, des buissons et cette magie des collines qui nous accompagnent si longtemps de par et d’autres, ces couleurs, ces strates, ces oiseaux qui traversent.
A 11h30 il ne nous restait que 8km jusqu’à Mariano Moreno malgré tous nos arrêts photographiques et sanitaires. L’urgence était surtout d’arriver avant la fermeture des tiendas à 13h avant de repartir. Alors, on y a cru, on a pédalé à entendre le son des pneus qui écrasent les cailloux, et le pédalier qui grinçait. Le silence tout autour…. avec une petite voix qui me chante « Dans la jungle, terrible jungle, le lion est mort ce soir » en boucle. Et quand je dis en boucle c’est pendant 30min le même refrain, la même phrase tout en dessinant un autre super-héros batman qui s’appelle Eagle man. Raphaël s’éclate sur son cahier de dessin pendant que je m’éclate à ne pas perdre l’équilibre dans les descentes en prenant sur les côtés où les cailloux sont absents mais le sable prend leur place. La danse n’est pas évidente, on reste concentré.
Le final survient vers 12h30 lors du passage autour du rond point de Covunco Centro, en face de la base militaire du régiment de l’infanterie de montagne. Le village recherché pour notre déjeuner est à 1km de là, sur la droite. On y file jusqu’à la place principale à l’ombre de superbes arbres de 10m de haut. On y pique-nique avec une bonne tourte faite maison de la voisine du boucher, trouvé par Sylvain. Une aubaine pour nous avec nos restes de pique-nique sur les bancs de chaque côte de l’emblème du village: un aigle (ici en bois). A partir de ce moment, tout s’accélère. Nous rencontrons Jonathan avec qui nous discutons, qui nous prend en photo et qui avec Yvan (arriver après des coups de fil), va nous interviewer à tour de rôle (en espagnol bien sûr) en vidéo pour un réseau social ! JuanJo est là également, professeur de musique qui s’occupe également à la municipalité de la Culture. C’est une longue discussion, du partage qui s’engage… pour nous faire rester ici. Il y a un camping (gratuit) avec douche chaude, de l’herbe, c’est un village tranquille. Foi de tous les trois: on y sera bien. Seulement, nous avons des impératifs administratifs : Neuquen et la migration… « No te preocupe! » C’est un peu ça. JuanJo se propose d’emmener Sylvain à Zapala en voiture pour aller prendre un bus pour Neuquen à 200km de là pour faire les démarches. Le problème est réglé! La migration n’étant ouverte que le matin, c’est très tôt qu’il convient d’un rdv pour demain. Ayant à cœur que nous nous sentions bien dans leur village, chacun se propose de nous aider si nous n’avons pas suffisamment de bonnes connexions internet en venant chez eux ou à leur travail. On reste sur le cul face à autant de bienveillance. Juanjo nous fixe un rendez- vous cet après-midi à 16h15 pour aller visiter sa ville en voiture. Vous y croyez vous?
On se quitte provisoirement pour aller trouver ce balnéario municipal, s’y installer pendant que les enfants trouvent de grandes statues de dinosaure et jouent dessus. Le temps passe vite et nous passons à la douche chaude tous ensemble avant l’arrivée de notre ami.
Il nous emmène à l’extérieur de la ville, au rond point puis…. devant la barrière de la base militaire. Il a contacté un responsable, fait des demandes et fait vérifier sa voiture pour nous emmener à l’intérieur. Alors, là, chapeau ! Et quelle chance! C’est ainsi que 4 français passent le contrôle, se garent avec Juanjo, et profitent d’une visite privée dans ces bâtiments de 1814, fierté du chef de la fanfare du site qui accueille 500 à 600 militaires chaque jour et tout premier bâtiment militaire en Argentine. Le musée nous révèle en autre les actions de ces unités sous l’égide des Casques Bleus des Nations Unies en Croatie notamment, des campagnes contre les Anglais en 1982, des entraînements sur l’Aconcagua et un Raphaël qui dessine une des armes en exposition.. Ouah, à nouveau! Puis, nous nous dirigeons derrière notre guide du jour dans le Patio numéro 1 avec l’histoire entre le Général San Martin combattant Napoléon Bonaparte en Espagne en 1808 et qui s’en inspirera pour les assauts à la trompette ou les uniformes… On est aux anges jusqu’à l’arrivée de la fanfare sur le balcon du 1er étage d’une aile du bâtiment. Là, on est aux larmes (enfin pour moi!) Et en rythme (pour Emma). La fanfare d’une vingtaine de personnes va jouer juste pour nous 4, plusieurs marches militaires. Incroyable non? Ça ne s’invente pas! C’est complètement dingue. Visite du second patio avec les différents véhicules militaires et c’est la fin. Nous sortons du bâtiment avant la session photographie avec notre guide. Une dernière rencontre, forte aussi celle-ci, le Commandant du régiment militaire, en personne. Nous entamons une discussion sur ses déplacements en France dans les Alpes notamment et le remercions de ce temps qu’ils nous ont tous octroyés aujourd’hui. C’est un honneur pour lui, nous dit-il! Mais c’est l’inverse. Quel honneur, quel plaisir, quelle joie de vivre cela ici. Merci à eux, merci à Juanjo d’avoir organisé tout cela.
Nous revenons à notre campement en voiture puis continuons notre soirée: quelques courses pour le repas du soir : la tourte aux légumes fait maison pas par nous! La cousine de celle de ce midi. Très chaude, elle sera délicieusement mangée sur notre table et bancs en béton, entourés de chiens errants bien maigres… Encore un peu de jeux pour les uns aux dinosaures et de nettoyage et préparation pour la journée de demain à Neuquen pour Sylvain pour la migration, et nous nous mettons au lit….
JuanJo viendra à 22h nous confirmer l’aide précieuse qu’il nous a proposé tout à l’heure : venir chercher Sylvain à 6h du matin pour l’emmener à Zapala afin qu’il prenne un bus pour les 200km jusqu’à la capitale de la province. Trop sympathique, énormément gentil, nous n’avons pas assez d’adjectifs pour expliquer ce que cela représente cette gentillesse.
La nuit commence alors pour nous, plus courte pour papa.
Les deux jours suivants, J697 et J698, à 3 ou à 4, nous nous sommes reposés, nous nous sommes sentis bien dans ce village, nous nous sommes promenés, nous avons lavé, nous avons fait des barbecues, nous avons adopté un chien Mushu qui s’est permis de dormir la nuit sans notre autorisation (puis les autres, avec!)… On recommande ce village de Mariano Moreno pour ses sourires et sa bienveillance!
Coucou les aventuriers!
Je suis un peu emue après la lecture de ce dernier récit. Incroyable ce que vous vivez!! Seul au monde dans cette nature grandiose magnifique reposante ( dans la tête seulement),incitant à la méditation, pendant 2 jours et subitement vous voilà des vedettes. Des rencontres vraiment riches de convivialité, de générosité et de découverte de ce site militaire, je pense que la satisfaction était réciproque ,vous de découvrir et le commandant et ses troupes de vous faire visiter.
Encore des souvenirs gravés dans vos mémoires et quelle richesse pour vos loulous !!
Bonne continuation , gros bisous et merci de nous vivre votre quotidien .
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Moi aussi je suis très émue par le récit de ce magnifique moment je me répète mais ces gens sont merveilleux… et merci pour les belles photos A bientôt
Annie-France
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Salut les Argentins d’adoption ! Parce que là, alors là, là, vous avez fait fort et comme disent les marins, vous avez gagné le pompon ! Fanfare des fantassins andins, excusez du peu. Mais jusqu’où iront-ils dans cette qualité d’accueil, ces Argentins. Vraiment, l’image que vos reportages nous offrent est toute de bienveillance et plus que ça, d’amour, osé-je écrire. Ils vous aiment, c’est net ! Tous sont tombés amoureux de vos enfants, de leurs parents, des bécanes, de votre projet, de la France peut-être car vous aussi leur renvoyer une image positive de la France et des Français, qui en ont bien besoin, sinon en Argentine, mais ici plus qu’ailleurs. Demain, premier tour de la Présidentielle, pourvu qu’on déconne pas avec les fantoches ! Bref, nous en saurons plus… vous aussi certainement, demain soir. Je croise les doigts, salut militairement l’Infanterie et vous félicite pour tout ce que vous faites et partagez. Et vous embrasse.
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Encore une progression au milieu des cailloux et de la végétation particulière, seuls au monde dans des conditions quelquefois exceptionnelles et insolites …… voilà encore une partie de votre périple. Pour des rencontres hors du commun , vous avez fait forts cette fois-ci encore : une visite de la caserne et de toute la ville, une solidarité hors norme, des instants fabuleux et de beaux échanges de part et d’autre, vous voilà verni !!! un geste inoubliable et majestueux, une générosité exceptionnelle. Merci à eux . Prenez soin de vous Bizz
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