Argentine Patagonie – Un tronçon en « Ripio » J756 et J757

J756 – Samedi 21 mai – Bivouac Lac Cardiel à Bivouac Carrière Volcanique – 44km D+454m


Dernière réveillée ce matin, mais pas la dernière habillée malgré le froid piquant, j’ai eu le temps de me préparer dans la tente froide avec les enfants et de ranger les duvets et vêtements en attendant un feu bien fort dehors pour l’eau et le lait chaud. Cette chaleur nous réchauffe aussi le corps et le cœur. Nous sommes bien prêts à ranger notre tente sur ce parking de Guardito Gil (sanctuaire pour les voyageurs) avec moins de vent que cette nuit et surtout aucune rafale (ce qui a été étonnant en pleine nuit!). Les enfants rejouent avec leur animaux imaginaires et partent se battre tout autour plein d’ardeur. Le froid ne leur fait rien. Par contre, nous les vieux, ça nous pique les doigts. Mais tout arrive à sa place dans sa sacoche ou poche après bien des aller-retours près du feu.


A 10h, nous quittons notre abri de la nuit, et partons défier ce ripio de terre. Nous serons quasiment les seuls à le faire de toute la journée, quelques voitures, moins de 10 et aucun camion. Ils doivent sûrement passer par la route 3 près de l’Atlantique jusqu’à Rio Gallegos (au Sud) et remonter ensuite vers El Chalten. De ce côté-là, nous sommes tranquilles sur notre route 40. Nous l’entamons sereinement plein de vigueur par 13km de côte. Ça nous arrange que le dénivelé soit le matin, nous sommes plus en forme à ce moment-là et attaquons bien confiants la pente. L’avantage est d’avoir une belle vue sur le lac Cardiel entouré de collines et de la cordillère bien enneigée à l’horizon. La terre sur le chemin est bien tassée, même si quelques cailloux perturbent notre équilibre. On prend la direction plein Sud avec du vent mais de dos. Un exploit puisqu’il vient principalement du Pacifique, de l’Ouest. Aujourd’hui à nouveau, c’est une aide pour notre découverte dans ce paysage de collines de terre et de touffes d’herbes. La tête vissée sur nos guidons, bien rentrée dans les tours de cou qui ne laissent que les yeux de sortie, je ne vois pas d’autres choses. De la terre, de l’herbe et quelques guanacos qui montent la garde. 5km après le dénivelé, il est déjà 12h30. Le temps file à une allure, pas nos vélos! 18km en 2h30, c’est pas la course. Alors avant le plateau que nous traverserons, nous préférons manger et aller plus vite avec de nouvelles forces. Après avoir échangé d’enfants sur les tandems pour 100m et récupérer ma louloute Emma, on se cache sur le bord de la route près d’un pont pour éviter le vent qui prend de l’assurance. On mange bien, les enfants ont toujours autant d’entrain, discutent en même temps et nous fatiguent presque. Pas de répit de parole, pas de repos pour souffler de l’effort du matin. Parfois, ça c’est dur pour nous 2.

On décide de repartir pas trop tard. Notre objectif serait une estancia (maison ferme) abandonnée à 32km de nous. Avec du plat et ce vent, la tâche ne devrait pas être compliquée. On y retourne bien plus camouflée que ce matin, avec tous nos vêtements sur nous et 4 couches pour le haut. La plateau est magnifique. Bordé par des collines au nord et au sud-est, nous nous dirigeons vers l’ouest. Il est immense, silencieux, ras dans sa végétation mais si apprécié par tous les troupeaux de guanacos. Nous devons juste rester vigilants. Ces petites bêtes là sont bien moins farouches ici, et sont bien plus près de nous. Ils n’hésitent pas à passer devant nous, à s’arrêter sur la route traversée, à rebrousser chemin. Je me souviens de l’un d’eux, le dernier qui passe, monté sur le monticule à droite et nous contemple, vérifie bien que nous ne nous arrêtons pas, l’air sérieux. Et en passant, derrière ce monticule, 2 petites têtes trop drôles tels des clowns, sortent avec leur oreilles bien droites. On éclate de rire de voir ces espions! A Gobernador Gregores, nous avions regardé un documentaire d’Arte, sur les animaux de la Patagonie. Nous avons ainsi mieux compris leur rôle, celui du guetteur, leur bruit, leur clan et hiérarchie, leur façon de se rouler dans la terre (vu plusieurs fois aujourd’hui), pourquoi il y avait autant de petits en ce moment. On continue la route avec eux, des centaines tournent autour de nous, curieux, apeurés et s’enfuient.


La pente reprend légèrement encore 9km. Nous n’allons pas si vite que nous avions imaginé. Le ripio n’a pas été excellent partout, et les cailloux ont fait leur apparition au grand dam de nos fessiers. Parfois la route n’est utilisée qu’à moitié dans sa largeur avec les marques de 4×4 sur le côté droit qui ont zigzagué comme ils ont pu dans la boue. A gauche, 2 traces de roue bien séchées, bien tassées, que nous empruntons pour éviter les « attractions naturelles » comme dirait mon binôme (en rapport avec les attractions style grand 8).  Une horreur à ne plus pouvoir tenir sur la selle. Heureusement, cet après midi, Raphaël chantonne… en boucle. Ça change et fait passer le temps. Pas de musique, l’enceinte est vide, on a oublié de la recharger et le téléphone, par ce froid perd de la batterie rapidement. Mais vu les secousses je ne suis pas sûre que l’on aurait pu l’entendre!


Avant la descente prévue, avant les 9km que nous devons encore parcourir, nous nous questionnons. Il est 16h20, on est fatigués par une grande journée entre ripio et dénivelé. Il est temps de trouver un bivouac plus tôt que celui prévu. 2km et c’est le cas dans une carrière de roches volcaniques à 200m de la route après avoir emprunté un chemin aux côtés des guanacos.
Parfait! On ne verra plus les enfants pendant 1 heure, partis sur les hauteurs de la carrière, à 2 étages au-dessus près d’un morceau de glace à l’abri du vent et du soleil. Il est déjà caché pour nous, pas de bronzage ici. On monte la tente tranquille mais avec du vent. Minime comparé à celui qui souffle tout en haut et que Sylvain reçoit en allant chercher du bois pour le barbecue du soir. J’arrange l’intérieur de notre chambre commune pendant ce temps. A 18h, on démarre le dîner par notre reste de soupe maison, puis pâtes et reste de ratatouille puis salade iceberg. Le ventre bien plein, on n’a plus qu’à se réchauffer autour des flammes capricieuses qui dansent au gré du vent. La nuit est tombée, le froid avec. Mais on n’a pas le courage de quitter notre cercle de chaleur. Encore un peu. Encore ce côté-là, le dos, puis encore les mains, les jambes et hop, on se retourne encore et encore. C’est dur de le lâcher pour la fraîcheur de nos duvets. L’effet de groupe nous donne du courage. Chacun sur son matelas, on sait ce qu’il faut faire, où mettre les vêtements (ceux que l’on veut chaud pour demain sont mis dans le sac à viande) et comment se vêtir pour la nuit. Depuis le début de la Patagonie, c’est vêtements techniques longs en haut et en bas pour le jour… et la nuit ! Je ne peux pas changer. C’est du 24/24. Trop froid pour ne pas mettre de pantalon ou de chaussettes. On n’est pas fous. Et puis le matin, ils sont chauds et j’ai juste à remettre les couches suivantes ! Les enfants et Sylvain font de même. C’est rapide en plus. Je ne vous dis pas l’odeur après 5 jours comme de Perito Moreno à Gobernador Gregores… ou en ce moment, mais là on n’en est qu’au 2ème jour!


Ce soir, les enfants nous avaient demandé un dessin animé. Vu les journées longues, le froid et le peu de jeux (selon eux!!) qu’ils font par jour, nous cédons pour la session cinéma. L’écran est mis en hauteur sur le fil à linge dans la tente, la séance de cinéma commence. Sylvain ne fait pas long feu et s’endort. Pas les loulous. 45min c’est écran noir, tout le monde ferme ses yeux et se reposent… enfin presque. A 20h40, je termine l’écriture de cette journée somme toute « routinière »: des collines, la cordillère, le lac, peu de circulation et les guanacos. Voici ce qui sort de la bouche des enfants et de leur esprit sur ce qu’il y a à retenir de ce jour 756. Leur routine quoi!

J757 – Dimanche 22 mai – Bivouac Carrière Volcanique à Tres Lagos – 61km D+194m

Faute avouée est à moitié pardonnée, non? Car, là, carrément, je n’ai rien écrit le 22 mai au soir, ni le 23 et 24 d’ailleurs, pourtant en jour « off »… Puis ensuite, nous sommes repartis sur la route, occupée sur le vélo la journée ainsi que le soir à écrire les événements du jour. Mea Culpa. Presque promis, je ne recommencerai plus! Pour avancer (et parce que les journées suivantes sont dans le téléphone, sur les notes), je vous livre les photographies de Sylvain.

Dans la carrière, nous sommes bien à l’abri du soleil pas encore levé ni échappé des contours des lieux, mais pas du froid ni du vent. Il souffle à nouveau et pas forcément en notre faveur. Pas grave, il ne nous reste qu’une journée de vélo avant d’arriver sur Tres Lagos. Comme hier, notre départ se fait juste aux alentours de 10h pour rejoindre notre ripio de la ruta 40.

« Ripio toujours, ripio mon amour ». Et « Vive le vent, vive le vent d’hiver de Patagonie »!
Voici en résumé notre matinée de vélo sur les terres patagoniennes, sans personne. La vue à 360 degrés ici nous procure un sentiment de liberté, d’air pur, d’isolement, de solitude chacun sur son tandem, de sécheresse avec autant de sable et de terre, d’être chanceux de passer par ici sans la pluie et de ne pas s’embourber (c’est d’ailleurs fortement recommandé par les voyageurs sur notre application, de ne pas passer par ce chemin et d’avoir uniquement un 4×4…). Mais c’est bien beau, on n’avance pas vraiment. Couverts de la tête aux pieds, nous n’avons pas vraiment froid puisque nous pédalons, nous réchauffons note corps par transpiration. Le seul hic, c’est lors des arrêts où même nos vélos ne tiennent pas avec leur 70kg lors de rafales! Autant dire que l’on ne s’attarde pas pendant nos micros-pauses.
C’est heureux que nous parvenons à une maison abandonnée, dont le toit et presque tous les murs se sont effondrés. Plusieurs blocs (pour un raccordement?) sont posés à même le sol, et nous en profitons pour nous en faire un abri pour le pique-nique. Un bien bel abri de moins d’1m², pas isolé par le dessous, nous amenant du sable dans nos aliments! Mais, même cela n’atteint pas notre motivation! « No nos importa »!

L’après-midi commence alors, lorsque nous sortons de notre bloc de béton, avec un bon vent de face. Normalement, dans 9 km, nous quittons enfin le ripio pour l’asphalte, le goudron bien lisse et le vent de face! Ah, non pas de changement pour lui. Mais déjà une victoire pour nous, pour nos fessiers, pour notre avancement qui devrait être plus aisé.
Que nenni! La route part direction l’Ouest, et des bourrasques nous stoppent net dans la côte du jour. Obligés de poser le pied à terre puisque nous perdons l’équilibre, que nous zigzaguons dangereusement, que nous n’avançons plus tout simplement. C’est à contrecœur, de devoir pousser 70kg vers l’avant mais aussi de côté, contre ce fichu vent qui nous déséquilibre. On résiste, on s’arrête lors des rafales, Raphaël m’aide de toutes ses forces. Au premier virage, on remonte sur les bécanes et espérons que la courbe soit synonyme d’un atténuement de vent contre nous. Et c’est un peu ça qui se passe. Les vélos roulent à nouveau, passent les collines, les virages et entrevoient le village dans la vallée.
L’aventure ne serait pas ce qu’elle est sans l’imprévu et les pépins techniques sur les 2 tandems pendant la journée: un rayon, un pédalier enfant, un câble de dérailleur, un pneu crevé et pour finir en apothéose, la chaîne du Panzer qui se casse! C’est donc avec un Sylvain sur le Couillot aidé par Raphaël qui pédale aussi, que nous terminons les 2 derniers kilomètres, avec notre corde pour tirer le Panzer sur lequel l’équipage est purement féminin. Un peu de trottinette pour aider les garçons en donnant quelques coups de pieds depuis derrière, et nous passons le panneau d’entrée de Tres Lagos peu avant le crépuscule.

Nous arrivons enfin à la civilisation et trouvons rapidement une cabane que l’on nous prépare, pendant que je pars faire le plein de victuailles pour toute la famille pour 2 jours. Et oui, le J758 et J759, nous avons décidé de rester par ici, la météo ne changeant pas sur les prochains jours. Et nos jambes en ont besoin!
Après une bonne soirée, bien arrosée (on est champion pour ouvrir une bouteille de vin avec les moyens du bord!) et bien garnie, Raphaël part sous la douche, le seul qui pourra en prendre faute de quantité d’eau chaude suffisante. Nous sombrons tous ensuite, les enfants dans leur chambre bien trop chauffée au radiateur à gaz, et nous dans la nôtre, pas chauffée et on le sent bien!

C’est ensuite la préparation des jours suivants avec la carte, la réparation à l’intérieur des vélos (car demain, il fait bien trop froid pour avoir les mains sans gants!), les courses nombreuses dans la supérette du village et à la boulangerie, les jeux des enfants dans le jardin (mais pas trop, on est mieux à dessiner sur les lits), la cuisine de crêpes, mousse au chocolat et poulet aux herbes et à la crème… et bien sûr de l’écriture de blog et du tri de photos (bien que Sylvain en ait moins pris, car c’est tout un art d’enlever ses gants dans le vent et le froid pour saisir le moment présent!!).

2 commentaires sur “Argentine Patagonie – Un tronçon en « Ripio » J756 et J757

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  1. original le tire-bouchon ! Quand on est motivé , on a des idées!
    Bravo pour le blog , vous êtes quasiment à jour puisque vous avez dû quitter votre cabana le 25 et nous sommes le 28! Si vous n’êtes pas arrivés à El Chalten , vous ne devez pas en être loin ! Bon vent (dans le dos , et pas trop froid !)

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  2. Vous faites un peu penser à une rôtissoire…. à vous réchauffez devant, derrière, côtés , flancs…. on vous imagine bien et compatissons, la météo rude ne vous vient pas en aide pour ces derniers jours en Patagonie. Courage !! Bizz

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