J566 – Vendredi 12 novembre – Checacupe à Ccuyo (dans le champ de Flavio) 55km D+415m
Réveil en douceur dans cette chambre à la minuscule fenêtre et à l’ampoule peut éclairante à 7h pour les filles. Sylvain a déjà petit-déjeuné et Raphaël levé, habilé tout seul contre le froid, est déjà à table. Ce matin, on a bien perdu 10 degrés. Froid et humidité ne font pas bon ménage pour nous. Alors, on sort de ces lits bien chauds avec les draps en polaire, les 2 couvertures et la couette moelleuse, pour aller petit-déjeuner dans la cour, sans pluie svp! Toute la nuit, elle a versé ses gouttes et nos vélos n’étaient pas abrités… Les selles des enfants sont donc trempées, ça c’est moyen. Mais on trouve une astuce: nos vestes de pluie sous leurs fesses, et le tour est joué. Rangement comme d’habitude, la routine du matin bien rodée et à 8h40 nous quittons donc Checacupe et les sommets enneigés.
Les premiers kilomètres nous sont familiers car parcourus la veille en voiture! Mais cela nous change tout de même notre vision des choses, sur les montagnes, les cultures de maïs ici (tous les champs, toutes les moindres parcelles sont utilisées pour cette culture), la rivière, les falaises sur notre gauche… et les nuages très bas ce matin qui nous amènent cette humidité. Les enfants sont bien couverts, et Emma est un peu fatiguée de ces 2 matins sans grasse matinée. Alors, on profite de cette route plate, de ces petits ressauts, jusqu’à Combapata, son intersection pour les montagnes aux 7 couleurs de Palcoyo et son pont métallique rouge! Cette fois nous le traversons et traversons la ville en remontant dans la vallée. Quelques emplettes sur la route principale sont faites notamment pour le ravitaillement en eau.
L’avancement dans la vallée se poursuit avec malheureusement un accueil similaire, sans sourire, mais avec l’oeil noir. Tant pis, on poursuit quand même notre aventure dans la vallée de San Pedro (Fief de Tupac Amaru, indien qui prit en 1780 la tête d’un mouvement de rébellion indien contre les colons espagnols au Pérou), puis San Pablo. Tous les restaurants touristiques sur le bord de la route sont fermés, ainsi que les restaurants. Les collines nous entourent mais sont bien plus espacées maintenant, et nous permettent d’avoir l’impression de respirer davantage.
A 11h, on a déjà fait 28km (en 2h20 avec arrêt). On avance très bien et en plus, sans avoir trop mal aux jambes! Cette avancée mérite bien un petit stop à San Pablo, sur la plaza de Armas. Nous nous arrêtons donc à l’ombre sur un banc lorsque les cloches de l’église retentissent. La messe est terminée et une procession sort, qu’avec des enfants, des élèves avec leurs professeurs. Ils tiennent Saint-Martin des pauvres (un habitant nous l’explique) sauf que sur les 30 élèves et adultes, pas un sourire nous est adressé. Le prêtre vient nous parler tout de même quelques instants et nous demande combien de temps nous restons ici… Après cette halte gustative de pain, nous quittons le village tout en nous interrogeant. Pourquoi est-ce si froid? Pas les températures… l’ambiance.
La vallée s’agrandit et s’aère de quelques kilomètres et cela nous change l’horizon, toutes les montagnes sont moins hautes, jaunes, et nous pouvons nous projeter loin devant nous. Ce que ça va vite quand c’est plat!! On avait oublié les kilomètres qui défilent. Bon coup au moral, ça ! Pas d’agriculture ici de maïs mais c’est plutôt du bétail partout. Mais vraiment partout. La terre est fertile avec autant d’herbes pour les troupeaux. Chaque parcelle abrite des bovins et sur des kilomètres. Le vent de face revient lorsque la vallée se rétrécit après un virage à Sicuani.
Sicuani, la grande ville où l’on cherche de quoi déjeuner… Après avoir traversé la moitié de la ville avec ces ferreterias et autre tallers de mecanica, on arrive dans le quartier des restaurants. Les vélos devant l’entrée, on peut se poser à table à 13h pour une soupe et des chicharrons ou lomo saltado (bœuf sauté). Une tienda puis une seconde pour trouver tout ce qu’il nous faut pour la soirée, et nous filons. Mais on ne sait où on va aller, où on va dormir ce soir.
La ville est quittée en côte puis devient étroite avec le maïs cultivé et les forêts en limite de montagnes. On avance, on demande où trouver un lieu pour camper mais personne ne nous répond, ni à nos bonjours. Aucune proposition de dormir dans la nature dans les environs ni dans l’école fermée. On nous conseille bien à 18km (avec du dénivelé) des eaux thermales mais il est 15h15. Il nous faudra 2h minimum pour les atteindre avec beaucoup d’efforts. Mais on est fatigués par les km déjà parcourus. Le vent a ralenti notre progression et épuisé nos forces.
On commence à se poser des questions sur notre nuit quand, à Marangani, on s’arrête pour demander à un homme qui nous indique aussi ces eaux chaudes. 4 autres, complètement saouls, viennent et sont « limites » envers nous… On ne se sent pas rassurés ni pour nous ni pour les enfants: ils sont trop près de nous, touchent les vélos… « Vamos, vamos », on force un peu le passage et on s’extirpe pour continuer notre route.
On retrouve le Rio Volcanota que l’on remonte quand Flavio travaille sa terre, sur le côté droit de la route. On lui demande où il est possible de camper. Un terrain de l’autre côté de la route lui appartient et il accepte que nous y plantons la tente. En sécurité! Il ne se passera rien nous dit-il, lui qui habite juste à côté de la voie ferrée que nous avons longée et que nous traversons pour y accéder. On descend se cacher de la route près du talus dans son champ. La tente montée, et même nettoyée au niveau des fermetures éclaires, de l’eau récupérée dans la source près du bivouac, on se met au chaud, nous les vieux pendant que les enfants jouent dehors à bricoler avec les boîtes de céréales en carton. Voici une maison en carton qui s’ouvre avec un lit, une salle de bain pour les figurines d’Emma.
18h et c’est l’heure de préparer le repas dégusté dans l’abside. Le temps s’est rafraîchi.
19h30 nous sommes au lit à 3739m, avec un seul train de marchandises qui passent… ça nous rappelle la ville de Rawlins aux Usa (un bivouac très calme entre l’autoroute, l’aéroport et la ligne ferroviaire qui a fonctionné toute la nuit). Puis séance de cinéma avec un petit film pour nous les adultes pendant un moment de lecture pour Raphaël et de repos pour Emma.
J567 – Samedi 13 novembre – Ccuyo à Bivouac Yuraccancha 28,5km D+650m
Oh les marmottes ce matin! Dans la tente bien sûr. Il y fait tellement bon. Dehors, tout est gris, les nuages sont bas, il fait froid et humide. Je suis levée avant les enfants, un exploit! En s’habillant, on range les matelas et duvets dans cette tente légèrement mouillée. Les céréales avalées avec le pain de mie et le beurre (succulent!), voilà les enfants qui terminent dehors leur petit déjeuner avec quelques éclaircies pendant que nous nous activons tels des fourmis où chacune sait ce qu’elle doit faire avec efficacité pour remplir les sacoches et les clipper sur les vélos.
8h pile et nous sortons du champ de Flavio que nous voyons en traversant la voie de chemin de fer. Nous revoici sur la Longitudinal de la Sierra Sur pour 26km de côte avant notre dernier col péruvien. Les sommets des montagnes sont justes au-dessus de nous, très proches de part et d’autre de la rivière. Beaucoup de ruisseaux viennent de leur flanc et permettent par irrigation, d’arroser et de cultiver autant. Beaucoup de lamas et de vaches encore autour de nous avec pour aujourd’hui, des sourires et des réponses à nos bonjours. Et cela change tout! Le soleil apparaît enfin et nous réchauffe suffisamment.
Nous remontons toujours le Rio Vilcanota parmi les vallées où les villages se succèdent et ne laissent guère de place aux bivouacs sauvages: Mamuera, Llallahui, Ccollpamocco. La vallée par contre change, elle s’élargit à nouveau, les sommets s’éloignent, en largeur et en hauteur. Le jaune est la couleur dominante avec le marron foncé pour les cimes. Les maisons sont disséminées parmi les champs bien verts et la couleur de leurs toits orangés s’ajoute. On se sent bien. Pas de vent, la vallée nous émerveille avec cette eau qui la rend vivante. Les femmes en habit traditionnel avec leur chapeau et leurs tresses nous saluent. On continue tranquillement notre montée, avec Emma qui s’essaye à la photographie, avec une petite pause chocolat/pain/drone vers 10h.
Les maisons se raréfient, comme la végétation, car nous montons toujours plus haut, à plus de 4000m d’altitude. Aguas Calientes avec ses bains chauds nous fait tourner la tête. Mais le commentaire d’une famille française s’étant baignée dedans et ayant fini aux urgences pour des infections pour les enfants, ne nous fera pas poser le pied à terre. Nous continuons donc, inlassablement cette montée vers le col. Petit péage 1km plus loin, où il nous reste encore 250m de D+ sur 10km. Alors, pour se donner du courage dans ce dernier assaut, une petite pause s’impose dans les grandes herbes jaunes. Sylvain est fatigué. L’altitude n’est pas sa copine! Quelques virages, un rapace, des lamas qui broutent, de la pluie, nous ne sommes pas seuls lorsque nous passons les 4334m d’altitude au col de Raya vers 12h30.
A nous la descente! Camouflés sous les tours de cou, les polaires et les vestes de pluie, nous apercevons furtivement les bornes kilométriques et les nuages noirs sur notre gauche. La pluie et l’orage y sont bien installés. On file tout droit… mais la distance parcourue en si peu de temps nous laisse apercevoir le prochain village. Stop! On est trop bien dans ces montagnes et on ne veut pas déjà retrouver la civilisation. Mais la question importante: avons-nous assez de vivres pour le déjeuner, le dîner et le petit-déjeuner demain matin? Avons-nous assez d’eau? La première réponse : on a de quoi manger, mais de là à faire des repas équilibrés et conséquents… Pas sûre mais ça va le faire (ils nous restent 2 paquets de pâtes, du parmesan, 4 petites tomates, des biscottes, un vieux fromage, une boîte de thon). Pour la seconde, sur maps.me, un ruisseau venant de la montagne passerait juste quelques mètres au-dessus de nous. 😁
Alors, nous prenons le chemin en cailloux sur notre droite pour s’enfoncer entre 2 parois en trouvant cette eau dont nous avons tant besoin. Entre quelques touffes d’herbes hautes, une grande prairie nous accueille, nous 4 et notre bardat. Il est 14h! L’orage tonne derrière la barrière montagneuse. Mais cela ne vient pas encore à nous, ce qui nous laisse le temps de déguster un somptueux repas sous l’abside de la tente, montée rapidement. La vaisselle faite dans le ruisseau à côté, puis c’est l’heure d’école pour Emma et Raphaël pendant que Sylvain part nettoyer les vélos à l’eau douce. La pluie arrive, la fraîcheur et l’humidité aussi ce qui nous donne l’idée de se regarder un film tous les 4, allongés dans la tente avec seulement les bonnes couvertures sur nous. Comme un dimanche après-midi de novembre! Ça tombe bien, c’est le bon mois.
C’est parti pour 2h de « Seul au monde »… un peu comme nous en ce moment avec un orage en plus qui passe au-dessus de nous! Il est même parfois difficile d’entendre la bande son du film!
Tous les 4 sommes bien au chaud pendant que Tom Hanks profite de sa solitude sur son île, avec Wilson. Nous avons vu tout le film, personne ne s’est endormi devant. Une première! Mais nous sommes tellement bien, qu’une fois l’ordinateur éteint, Raphaël et moi, nous nous endormons, serrés sous la couverture, vers 18h30. Emma a un peu mal à la tête et faim mais elle s’endormira également alors que Sylvain a un petit creux. Je me réveille vers 20h, et nous nous retrouvons tous les 2 sous l’abside à manger un peu, avant d’oser sortir sous la (presque) neige une dernière fois avant la nuit. On n’ose pas réveiller les enfants pour faire de même. Nous verrons si dans la nuit, ils s’éveillent ou non. Dans tous les cas, ils sont au milieu de la tente, entre nous (près des bords il fait plus frais et c’est moins risqué pour qu’ils touchent les 2 toiles et trempent tout) et on leur a remis leur duvet en plus des couvertures. Il fait très froid, et ça condense sous la toile avec la différence de températures.
Il s’est arrêté de pleuvoir vers 21h30, juste avant la fin de cette écriture de journée… à 4359m, mais avec le doux bruit de l’eau du ruisseau.
Coucou, en admirant les photos on peut penser au cliché « carte postale » ou « brochure de vacances » en voyant ces péruviennes dans leur habit « régional », mais ça fait plaisir et beau à voir.
Toujours courageux vous gravissez la montagne, recherchez la nourriture et surtout de l’eau, même si quelque fois les autochtones ne sont pas conciliants avec vous, mais vous faites de belles rencontres humaines et profitez de paysages époustouflants. Je suis toujours admirative. Prenez soin de vous. Bizz
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Je vous admire la vie n’est pas facile à cette altitude vous êtes bien courageux mais ça vaut la peine, quelle belle expérience et que de beaux souvenirs pour vous 4 !!! j’ai vu la photo de Raphaël avec Théo Curin une belle rencontre si loin de chez vous, le monde est petit…
Continuez à bien profiter à bientôt
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