J596 – Dimanche 12 décembre – Enclos à lamas à Yauruso – 45km D+114m
Il est 6h lorsque nous ouvrons les yeux en même temps avec Sylvain, avec la tente déjà bien éclairée. Nous ne tenons pas à trop traîner ce matin, alors nous nous levons rapidement, même Emma est prête et ce n’est pas la dernière! Il nous reste suffisamment de céréales en tout genre, mais ce sont ceux de papa que les enfants préfèrent et mangent, délaissant les chocapic & co. Un peu de biscottes qu’il nous reste avec le beurre bien dur grâce à la nuit fraîche, pour compléter ce petit déjeuner dans l’abside. Le rangement se fait accroupi pour être visible le moins possible, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas tranquilles encore.
Ce ne sera qu’à 8h07, lorsque nous passerons la barrière, sur le bord de la route, prêts à entamer notre journée, qu’enfin nous serons dans notre élément. Le vent est absent et le soleil bien présent. Ce que cela fait du bien. La côte d’hier est entamée aujourd’hui avec ces paysages de sable beige et ces touffes d’herbes tout autour de nous, ces centaines de lamas aux boucles d’oreilles nous regardant passer en mâchant dans leur pré clôturé. Déjà plusieurs arrêts avant le col juste pour des photos, avec Emma qui désire et fait des mathématiques sur son siège pendant la route. C’est que l’endroit est paisible, beau… mais rien en comparaison de ce que nous découvrons juste après, dans la descente. La chaîne de montagne aux sommets enneigés nous barre l’horizon, droit devant nous, face à notre ligne droite. Et elle reste ainsi à nous accompagner, avec ces petites sœurs sur notre droite.
Nous poursuivons le plateau en passant devant notre village fantôme de Caripaya et son église. Seuls, sans trop de circulation, nous pouvons entendre le silence des lieux. Reposant, nous ne voyons point le temps et les kilomètres passés jusqu’à Opoqueri, le hameau suivant à 20km de notre départ. Quelques bourrelets naturels à surmonter pour passer de l’autre côté et qui ralentissent notre allure, sans nous fatiguer. Le hameau à la hauteur du prochain bourrelet, nous incite à nous y arrêter vu que c’est le seul de la journée que nous croiserons. L’entrée est fermée par une barrière que les habitants nous ouvrent afin de se diriger vers la tienda sur la place au centre. Elle fait aussi restaurant mais à 10h aujourd’hui, nous n’avons pas faim de riz. J’achète ce que je peux y trouver comme galettes salées sucrées pour tenir jusqu’à la ville de demain. Les lamas tournent sur la place et attendent près d’une camionette ouverte, vendeur ambulant venant d’arriver ici: une bonne augure pour nous, de la chance quoi! 12 oranges, un ananas et 6 bananes ! Je ne vous dirais pas que j’en ai eu pour 17 bolivianos, c’est-à-dire quasiment 2 euros.
Dans tous les cas, c’est une bonne surprise car par ici, comme hier, il n’y a pas d’eau courante, pas de fruits et légumes dans les tiendas, juste des gâteaux secs. Pour faire notre goûter du matin, rien de tel que de slalomer dans les ruelles en terre et en travaux, parmi les lamas qui tondent la pelouse du terrain de foot pour découvrir la place carrée de l’église avec ses bancs, ses arbres, ses murets pour s’y asseoir. Les vélos posés, assis sur un muret, au soleil, nous engloutissons les fruits et gâteaux achetés à l’instant. Nous manque plus que de l’eau pour être autonome, mais nous ne pouvons pas compter sur les rivières, soit à sec, soit polluées, soit marron de terre. Mais des habitants du village sont en train de remplir des bidons près d’un robinet lorsque nous arrivons sur la place. A y regarder de plus près, le robinet ne fonctionne pas, mais ils ont une corde et un seau pour puiser sous la chaussée dans un puits, de l’eau potable. Sylvain demande l’autorisation pour remplir notre poche de 10 litres, et l’ayant, on fait la queue, tout en aidant à remplir les bidons de l’habitante. Et nous voilà, l’un à puiser l’eau au fond du puits de 5m, l’autre à tenir la poche bien ouverte. 3 seaux nous seront nécessaires pour être libres de bivouaquer et de ne pas manquer d’eau. Nous la remercions car le seau lui appartient (sans ça, pas d’eau!) et nous remettons la plaque de béton sur le trottoir par dessus le puits avant notre départ. Encore un coup de chance de tomber pile au moment où ils viennent chercher l’eau potable de la ville. Sans eux, impossible de savoir qu’il y en avait ici.
Heureux de cette fortune, nous pédalons parmi les maisons en terre et les rues défoncées pour accéder à notre route nationale et notre montagne au loin vers 11h.
Le paysage nous enchante et nous prenons le temps de nous arrêter plusieurs fois pour photographier ce cadre qui nous correspond tant. La nature à perte de vue, les lamas, la verdure, les montagnes s’élevant vers le ciel et découpant l’horizon. La faim nous rattrape mais nous aimerions un coin spécifique, un point de vue pour déjeuner entre les 2 vélos sous le tarp pour un peu d’ombre. 11km sont parcourus depuis le hameau lorsque nous apercevons un troupeau de lamas broutant sur un champ d’herbe verte. Les couleurs et le cadre sont sublimes. Ce sera là que nous nous installerons pour près de 45min! Un bon petit pique-nique entre nous et quelques photos tout de même!
C’est à la suite que nous avons été récupérés par Yvan, un cyclo français. Il arrive de la Paz, il y a 2 jours et demi. Quoi? J’ai du mal entendre… On a mis 5 jours, c’est notre 6ème! A y regarder de plus près, il a un vélo de compétition, ultra léger, ses roues sont extrêmement fines, sans presque aucun portage, il est jeune, il n’a qu’un mois et demi pour rallier Ushuaia, alors facile de faire des journées de 200km. J’en rigolerai presque en voyant la différence de gabarit entre lui et nous. On discute (à vive allure quand même!), quelques instants, on s’arrête devant des lamas et enfin 4 autruches! La surprise! Les panneaux d’hier avaient raison. Il y en a bien ici! Quelques minutes encore auprès de Sylvain surtout et on le laisse s’envoler sur l’asphalte. Son objectif du jour est le nôtre, de demain! Pas grave, chacun son voyage, ses possibilités temporelles et physiques. Chacun est heureux, c’est le principal. Ce fut sympa de discuter en français et de parler frontière, pneu, voyage. Mais pas de bivouac ensemble, Raphaël est déçu. Il aurait voulu lui raconter tellement de choses sur les galapagos, les bivouacs ou lui apprendre l’espagnol. Alors, on le réconforte en lui disant qu’il ne reste que quelques kilomètres avant notre arrêt du jour, volontairement tôt, histoire de compenser la journée d’hier. On attend juste qu’il n’y ait plus de clôtures autour d’une parcelle privée.
C’est le cas peu avant 15h, sur notre gauche. On y part avec Raphaël et trouvons quelques coins ensablés parmi des touffes de trolls, qui s’avèreront un peu court pour notre grande tente. Mais on s’y engouffre quand même, et Sylvain trouve un lit de rivière asséché et suffisamment large pour nous. Les vélos posés, la tente est montée dans du sable dur comme de la pierre, puis les sacoches mises à leur place pendant que les enfants jouent sous le tarp, à l’ombre. Car maintenant, ça chauffe, toujours pas de vent, une chaleur à se mettre torse nu et en tongs pour les adultes! Les soleil grille à plus de 3700m! La suite de l’après-midi ? Chacun à son rythme, à ses occupations: jeux dans le sable avec des canettes vides pour les enfants, jeu avec le drone pour Sylvain puis sur le téléphone, et épilation à la pince à épiler pour moi (et il y a du boulot!!).
On est tranquille, loin de la route, avec un léger vent parfois… pendant facilement 1h30. C’est ensuite qu’on se retrouve tous les 4 sous la tente, pour un film familial français (après s’être débarbouillés, lavés et nettoyés les pieds pour certains…). On aime ces moments là aussi. Le crépuscule arrive lorsque le repas est préparé avec nouilles, sauce tomate, ananas mélangé avec, pour du sucré-salé pour certaines seulement, de la brioche, des bananes… Encore une journée de passer lorsque la nuit tombe, que les étoiles scintillent au-dessus de nous pendant notre brossage de dents à 20h30. Encore quelques minutes d’écriture en musique puis en silence sous le ciel bolivien.
J597 – Lundi 13 décembre – Yauruso à Sabaya – 48km D+144m
Cette nuit, pas de vent, pas de bruit de voitures mais un superbe ciel étoilé avec la voie lactée si visible. Cela compense le mal de ventre de Sylvain dû à l’œuf en omelette mangé au dîner! Alors, panique: la dernière fois, c’était au Mexique à La Paz, où les enfants avaient été malades aussi à cause des œufs et avaient vomi chacun dans leur duvets 3 fois! Une nuit d’enfer que l’on ne veut pas renouveler. Alors, c’est poche plastique pas loin et l’oreille aux aguets toute la nuit au moindre bruit de bouche des enfants!
Du coup, belle nuit mais fatiguante avec un réveil un peu dur pour les filles. Il faut nous parler plusieurs fois pour que nous émergions et allions petit déjeuner avec le soleil déjà à 7h20 (tard pour Sylvain!). Mais que c’est bon encore ce temps ensoleillé, qui nous réchauffe le moral et la peau, ce ciel bleu avec ses traînées de nuages blancs. Et ce silence encore ce matin. Une bonne journée pour tout ranger, tout secouer avec ce sable, pendant que les enfants jouent à nettoyer de ses canettes et bouteilles en plastique, les alentours de notre bivouac! Nous sommes guillerets lorsqu’un petit animal nous étonne par sa présence : un scorpion jaune, puis un tout petit second, juste près de nos vélos. Après de l’admiration pour cet animal furtif, retour à la réalité en perdant de vue le plus petit! Alors doucement, on enlève nos casques et les sacoches av les pieds et un bateau et on finit de charger. Quelques minutes nous suffiront pour atteindre la route en poussant dans le sable nos tandems, parmi les monticules d’herbes et de piques. De quoi nous crever dès 9h!
C’est parti pour cette journée avec toujours une seule route en direction de l’Ouest, avec 2 collines qui se rejoignent au niveau de la ville de Huachacalla, à 20km d’ici. De part et d’autre de l’asphalte, le sable, les cheveux de trolls, les lamas, et puis on s’éloigne vers notre droite où se trouvent 9 sommets enneigés qui ferment l’horizon. Cette immensité et ce calme nous plaisent. Tout est réuni pour une véritable carte postale de la Bolivie et de ce que nous nous en imaginions. Aucun regret aucune déception d’être là. C’est juste magnifique cette nature.
Alors on pédale, avec un léger vent, les manches relevées, les casquettes sous les casques, la musique en fond sonore: les playlists des adultes. Celle de Sylvain sur le Couillot et la mienne sur Panzer. Oui, vous avez bien lu. Nous avons échangé nos montures! Panzer avec l’équipage exclusivement feminin, et Couillot avec les garçons. On avait envie de changer et de profiter un peu plus de notre autre enfant. Et ce changement s’accompagne d’une volonté farouche d’Emma et Raphaël de vouloir travailler les mathématiques sur leur fichier respectif!!! Qu’est ce qui leur prend? Ça nous fait trop rire de les voir, chacun sur leur siège avec leur manuel et leur crayon de papier, tout heureux de compter les exercices faits! Le tableau!
Et nous, pendant ce temps, on pédale, on pédale, on pédale et on a l’impression que cette ville au pied du col est toujours à la même distance! Comme si on faisait du surplace. C’est fou comme les distances sont trompeuses. Mais comme on est bien, en forme, sur du plat, on s’arrête souvent pour photographier ce panorama, pour discuter, pour observer les animaux, les rivières à sec, les flamands roses…
Et nous voilà après un pont et sa seule rivière à flot El Rio Lauca, sur le village de Huachacalla. Cela aurait pu être l’arrêt du goûter du matin, seulement on a très faim, et puis c’est le seul village, le seul point de ravitaillement de la journée, le seul endroit où nous trouverons trouverons de l’eau, des cuisiniers sur le bord de route avec viande et pommes de terre, et des tiendas. Je ferai le tour de tous avec Emma pour notre déjeuner à à peine 11h! Mieux vaut bien manger maintenant et faire d’une traite les 28km restants avant Sabaya, le terminus du jour. Pique-nique sous un arrêt de bus, avec sandwich maison et enfin de la mayonnaise et ketchup, saveurs depuis très longtemps délaissées. Notre petite joie du jour. On prend le temps de déguster ce que nous avons pu trouver, ainsi que quelques bonbons mais pas de fruits, nous en n’avons plus malheureusement.
4km de côte nous attendent pour passer ce fameux col, et avec Emma avec moi, ce n’est plus la même histoire. J’explose mon temps de roulage, mais on reste optimistes toutes les 2, et continuons à pédaler, à ne pas céder à mettre le pied à terre. La chaleur et la côte nous font remonter nos manches et t-shirts, sur 4km. De là-haut, il est aisé de voir tout le plateau, ces montagnes, ces étendues jaunes et blanches (sel), ces lamas, cette ville au bout des 24km de ligne droite! Encore un que nous avons l’impression de toucher du doigt, ou de la pédale ! Mais que nenni. Il nous faudra plus de 2h pour y accéder. Mais 2h contemplatifs, avec un léger sourire sur les lèvres. Les lamas traversent parfois devant nous, nous observent, se méfient de nous, les oreilles bien droites. La nature est si proche de nous. Si accessible. Nous nous sentons si petits ici, si fragiles, si vulnérables sans nos tiendas et nos villages, sans téléphone ou connexion pour demander de l’aide. Mais les conducteurs des quelques minibus qui nous doublent ou nous croisent, nous saluent avec le sourire. Alors, on se sent bien, forts finalement d’être capable de se trouver ici, forts d’être dans cette aventure.
Sabaya est comme un mirage à l’horizon avec comme de l’eau à ses pieds. Il fait tout aussi chaud ici, avec des buissons balayés par le vent qui a forci en ce début d’après midi, du sable, son barrage militaire, tout sourire! L’entrée de la ville est surréaliste: des lamas dans la terre, les déchets et l’eau, des maisons non terminées, des jardins en boue, des trous et des monticules de terre dans la rue, des parcelles inondées… et les différents hôtels fermés devant lesquels nous passons. La rue principale séparée en 2 voies par un terre-plein, regorge de tiendas et de pollerias (restaurant de spécialités de poulet et frites) et enfin avec un hôtel au bout.
On trouve le propriétaire, travaillant au coin de la rue dans une tienda, visitons des chambres propres, avec une fenêtre et de l’eau chaude. En plus c’est propre: bingo! On s’y installe rapidement afin de sortir manger un vrai repas chaud, plus consistant que notre goûter du matin. On le trouve dans notre rue, avec ensuite des courses dans une tienda, puis 2, puis 3 pour compléter et trouver du pain! Le seul hic pour nous : pas de connexion Wi-Fi dans l’hôtel (dans aucun de la ville), et impossible de recharger notre carte SIM bolivienne (après bien des péripéties chez différents vendeurs, des essais pendant 45min). On capitule pour donner et demander des nouvelles aux amis et à la famille. Le second hic, c’est que nous partons demain pour 5 jours de traversée de 2 salars avec encore moins de connexion! Alors on pense à eux très forts en espérant qu’ils ne s’inquiètent pas. Nous, nous ne le sommes pas. On avons hâte de rouler sur les salars, d’y dormir aussi. C’était un de nos désirs durant ce voyage de découvrir les salars de Bolivie. On y est presque. Plus qu’une journée! On vous racontera cela dans un prochaine compte rendu, promis. En attendant, nous sommes toujours lundi, rentrés dans notre hôtel. Tout le monde est passé au décrassage sous une douche bien chaude, avec entretien complet de nos corps: crémage des visages, ongles, oreilles et démêlage des cheveux! Le check-up fait, je corrige les travaux faits sur les vélos par les loulous puis séance détente autour d’un film pour enfant « Clifford ». Nous éteignons vers 20h30 avec une petite fringale pour certains, pas étonnant. Les enfants ont du mal à s’endormir, alors on change de place, rapproche les lits car le leur n’est que pour une personne et le calme vient une heure après, chacun serrant son doudoune, moi mon téléphone pour vous écrire jusqu’à 22h, sans bruit dans la rue ou dans l’hôtel : le paradis!
J598 – Mardi 14 décembre – Sabaya à Salar de Coipasa – 53km D+158m
Aujourd’hui on le sait, on descend vraiment vers le sud et on devrait traverser un salar: notre but de ce pays, clairement. Même si on vit notre rêve, même si c’est notre choix, parfois on aimerait être aux côtés de nos amis ou de notre famille, pour certains événements. Aujourd’hui c’est le cas pour moi et toute la journée je n’aurai de cesse de penser à elle, mon amie, à sa maman et de profiter à fond ce que je vis, pour elle. Ce sera le cas aussi pour nous 4 pour l’anniversaire d’une nièce ce jour.
Ce matin donc, on est motivés (même si on est fatigués) à se lever à 6h30.
Le soleil est bien là encore aujourd’hui, le ciel bleu aussi lorsque nous quittons cet hôtel, pour quelques emplettes rudimentaires comme de l’eau ou du chocolat!
A la sortie de la ville, nous ne faisons que quelques centaines de mètres sur le goudron pour déjà bifurquer vers le Sud sur des pistes de terre et de sable. Le Chili n’est qu’à 40km de nous, mais ce pays, ce n’est pas pour tout de suite. Pour l’instant, on s’enfonce parmi les chemins entre les bosquets, entre les lamas qui broutent ou viennent boire dans les flaques d’eau et qu’il faut savamment éviter, sous leur regard parfois inquiétant, devant ces montagnes qui barrent la route à l’ouest. Alors on pédale plus fort ce matin, car les roues s’enfoncent dans le sable, et avec Emma, c’est un petit plus difficile pour moi. Même avec son aide, je galère un peu et ne vais pas très vite. L’écart se creuse avec le Couillot loin devant. Mais ce n’est pas bien grave, nous profitons, nous savourons ces moments de liberté dans la nature. Nous sommes encore seuls sur cet itinéraire et cela nous plaît.
En musique (la playliste d’Emma), nous pédalons ensemble jusqu’à un sentier un peu plus grand et un peu plus tassé par les passages de véhicules tout terrain. Il y a une multitude de « route » parmi ces buissons balayés par le vent, mais en vélo, nous devons choisir le plus facile, ce qui ne signifie pas le plus court.
Au bout de 7km ainsi, tranquilles mais secoués par les vaguelettes de la surface du chemin (un bon petit tape cul digne de ce nom!!!), nous passons devant le village de Huanuni au pied d’une colline, où rien ne bouge. Drôle d’impression, comme un village fantôme: pas de bruit, pas de chiens, pas de voitures ou d’enfants… Pas besoin de faire d’arrêt pour le ravitaillement, juste un petit goûter avec des oranges et du pain fera l’affaire en plein milieu de la « route » que nous avons choisi parmi tant d’autres ici.
Nous poursuivons au sud sur une des nombreuses routes ensablées en direction de Villa Vitalina. Nous y passons toute notre matinée sur ces chemins, en ne voyant personne, aucun animal non plus, en ayant l’impression d’être seuls au monde, sur une autre planète. A nous de faire le bon choix pour ne pas trop s’enfoncer, et ce n’est pas toujours facile! Les buissons deviennent moins nombreux, plus éparses, la luminosité grandit, et comme si on s’y perdait, nous entrons dans le salar.
Pas de panneau, nous sentons juste que le paysage et le sol change. Tout est calme sans bruit, juste le vent nous accompagne sur cette surface qui parfois est blanche. On s’arrête et on goute: pouah, c’est ultra salé ! Mais cela signifie que l’on se rapproche. Toujours en longeant les collines sur notre droite, nous arrivons sur Villa Vitalina 18km plus loin. Une matinée pour y arriver. Il faut dire que nous nous arrêtons souvent soit pour pousser les vélos embourbés, pour changer de « voie » et en trouver une plus sèche et dure, soit pour photographier! Nous devons chercher une intersection dans les environs qui nous amènerait à traverser le salar de Coipasa pour rejoindre la montagne en face et son village du même nom.
Seulement, il n’y a pas de panneau bien sûr. C’est une grande étendue blanche et parfois beige, immense, un désert de sel sans rien jusqu’à l’horizon. Comme une mer où rien n’arrête les regards, où tout est plat jusqu’à l’infini. A nous de faire nos marques. A nous de fouler ce sol les premiers… et quelle drôle de sensation. A nous de ne pas nous perdre dans la direction car le village n’est pas visible d’où nous sommes. Nous devons même ressortir la boussole lors de notre pique-nique sous le tarp. Les enfants jouent avant de manger, avec le vent et une roue de caddie en plastique qu’ils font rouler sur le sel. Ils s’adaptent vraiment à tous les environnements, ici avec casquette, casque, tour de cou, lunettes et tartinage de crème. Il fait chaud mais nous préférons rester emmitouflés de peur d’avoir notre peau brûlée. Entre le sel qui réverbère les rayons du soleil et l’altitude à plus de 3700m, on ne rigole pas! Mais on est heureux. Enfin un rêve qui se réalise de rouler sur un salar. Heureux je vous le dis!
Alors vers 13h, on commence cette traversée et gardons le cap du col entre les 2 collines de cette île. Oui, sur le salar, il y a des petites montagnes en plein milieu, et celle-ci en face est notre destination du jour. Les 10km qui nous en séparent ne seront pas faits rapidement bien que nous trouvions un sol plus dur et « une route » par endroit plus tracée. On fait des virages, des zigzagues pour jouer avec les vélos, et on se fixe cette route plus claire sur son flanc pour garder une ligne droite.
Les abords de l’île sont plus meubles et plus sablonneux. On pousse à nouveau jusqu’à la terre ferme dans la glaise. On glisse et les chaussures prennent chères tout comme les vélos! Le sel n’est pas l’ami de nos engins. 4km nous séparent du village de l’autre côté de la colline, avec un chemin de pierres parmi les buissons. Juste le temps de me faire mal au genou en me cognant contre le cadre de Panzer. Mais il faut arriver à ce village où nous pourrons récupérer de l’eau pour ce soir et demain. Personne dans les rues, pas de chiens, pas de bruits lorsque nous découvrons les quelques maisons et la place centrale avec son petit clocher blanc parmi les arbres. Des bancs, de l’ombre et un robinet… d’où sort de l’eau. Source tellement improbable ici mais si salvatrice pour nous. On remplit nos 24 litres et on se débarbouille par la même occasion le visage mais aussi les jambes pleines de sel. L’endroit est désert, tout est fermé et il m’est difficile de trouver une tienda. Après des détours, des portes fermées, on trouve une habitante qui nous l’indique. Une tienda qui vend des glaces! N’est-ce pas irréaliste ici??? Et en plus, il y a les parfums de mes gourmands. Heureux encore! Nous prenons un moment pour décider de notre bivouac du jour car il est déjà 16h.
Dès que l’on quitte l’asphalte, les temps sont multipliés par 2 pour la même distance. Alors, on décide de passer par le salar pour rejoindre ce point du soir, pour éviter le chemin en terre qui monte dans la colline. Pour sortir du village, il faudra déjà que l’on arrive à soulever les vélos d’un ravin puis d’un monticule (construit pour empêcher le passage sur le salar), chargés comme des bœufs.
Et nous revoilà, foulant le sel avec le vent dans le dos. Et pas un petit vent! On oscille entre le salar où l’on s’enfonce car la surface n’est pas assez épaisse à cet endroit et le chemin de terre. Le bivouac est à 13km… mais la fatigue et le genou nous font changer d’avis. Il est tard et nous préférons viser une petite île déserte au milieu. Et avec le vent dans le dos, c’est un délice d’y accéder. On s’amuse avec nos vélos, on se filme sans s’arrêter, on se photographie, on fait la course, Emma pédale seule puis avec moi mais avec une seule jambe, les garçons font des cercles autour de nous, passent derrière… On joue comme des enfants sur cette distance d’1,5km. Le sourire aux lèvres poussés par le vent, c’est jouissif. On vit enfin l’expérience d’un salar.
L’île est toute petite mais peut nous « abriter » de ce vent ami auparavant, qui le devient moins lors de la recherche d’un espace pour poser la tente. Les cactus et roches sur le dessus de l’île ne permettent pas cela. Le seul endroit possible est à l’opposé, entre le sol salé et les rochers, sur un sol mi-terre, mi-sel. Les sardines s’enfoncent bien et ne ressortent pas, c’est bon signe et nous conforte pour planter la tente ici. Je ne suis pas d’une grande aide avec mon genou qui m’empêche de me déplacer comme je l’aimerais. Mais toutes les sacoches sont mises à l’abri, moi de même, pendant que Sylvain part en reportage et que les enfants s’inventent un monde imaginaire avec les plaques de sel qu’ils décollent et qui servent de garage… Plus d’une heure ainsi, avec un vent à décorner un bœuf à les entendre courir, chercher, inventer, sauter. Où trouvent ils toute cette énergie? Que mangent-ils? On est bluffé et heureux de les voir ainsi. Emma fait même du land art pour ses copines en photographiant ce qu’elle invente.
Le vent a raison de leur jeu et les enfants viennent aussi se réfugier dans la tente où nous jouons soit au Uno, soit aux playmobils selon les ateliers offerts par les enfants. Un bon repas avec de la purée à volonté, une salade de tomate/oignons, une banane et le tour est joué pour le diner de 19h.
Pour finir cette superbe journée, c’est le visionnage de la fin du film familial regardé hier, « Clifford », chacun dans son duvet. Nous éteindrons à la suite les lumières vers 20h, bien que papa se soit endormi avant! Le vent s’engouffrant et faisant beaucoup bouger la tente, il devra retourner la tendre encore un peu plus à l’extérieur. Le petit tour dehors, à la nuit, nous permet d’admirer le salar avec la lumière de la lune et des étoiles. Un voile bleu-ciel à l’horizon qui se reflète sur la surface de sel est tout bonnement magique. Pas de photo pour l’illustrer, il faudra me croire sur parole ou bien venir bivouaquer ici!
Quelle aventure vous vivez encore là avec votre découverte des salars boliviens dont j’en ignorais l’existence.
Ce passage particulier , vous en garderez un souvenir précis sans nul doute.
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Tu aurais dû rester avec nous beau-papy!!! Mais l’aventure n’est pas fini et tu peux nous rejoindre encore!!! Des bisous depuis la Bolivie où nous te souhaitons une bonne année!!
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Bonjour tous les 4,
Et bien encore une étape avec des évènements et découvertes que de pédaler sur les salars . Je comprends votre enthousiasme à découvrir ces paysages autant surprenants que magnifiques qui me rappelle de tellement beaux souvenirs sur le salar de Hyuni mais moins intense en émotions et efforts, puisqu’en 4/4.
C’est incroyable ce que vous vivez dans ces régions isolées de tout et même de l’essentiel, eau, nourriture , une vraie organisation à prévoir , mais ça vous connait !!
Bonne continuation vers le Chili ,et autres déserts sans sel .
Bisous bisous à tous les 4
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Oh oui, les salars en boue ou en sel, furent une belle découverte! Eprouvante mais toujours enrichissante.
Nous continuons pour 2022 du côté Argentin… Nous t’embrassons bien fort Tata Annick!! Et encore Bonne Année!
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Jamais deux sans trois frères et sœur, et dans l’ordre des âges l’aîné y va aussi de son grain de sel ! En parlant de sel, vous n’en manquez pas autour de vous. Magie des déserts sans limite, sans repère sinon les montagnes au loin, ses îlots comme des îles sur la mer immense ! Superbe reportage, photos de rêve, nous découvrons, au moins pour ma part, un monde qui évoque les temps géologiques, ceux d’avant les hommes et leur aveuglement. Vous, vous savez ouvrir les yeux, vous émerveiller, partager ça avec vos enfants, les veinards, et avec nous, redevenus enfants devant l’insolite, l’inattendu, l’invraisemblable, le sublime. Bonne continuation, où que vous soyez à cette heure, lundi 27 décembre 9h40 (heure de Paris). Bises aux quatre aventuriers.
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Et sans concertation pour ces 3 commentaires, vous êtes forts mon oncle, ma tante et mon beau-papa! Bravo!
Nous découvrons, comme toi, comme vous, des contrées inimaginables et forcément, nous prenons plaisir à les vivre, à ouvrir grands les yeux et le coeur pour n’en manquer aucune miette!!
Merci pour ce soutien Patrick, d’où nous étions le 27/12: Uyuni!
Bonne année de nouveau à vous 2!
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Merci pour ce récit de cet épisode incroyable de votre aventure et pour les superbes photos qui l’illustre, c’est magique !!! merci encore et à bientôt pour le prochain… bises à tous les 4
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C’est avec plaisir que nous écrivons et photographions sur cette aventure. Comme si cela nous aidait à savoir que ce n’est pas un rêve mais bien la réalité!!
A bientôt pour le prochain épisode! et Bonne Année 2022
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Coucou mes « Pino’ Great Travellers » bien téméraires ! Mais la beauté en vaut bien la … peine ! Puisqu’il « parait » que trois mots caractérisent la Bolivie, je pense que vous les connaissez trop bien : altitude, aridité et … salinité !!! Alors là, vous êtes vernis. Et quelles magnifiques et merveilleuses photos de ce paysage, qui ressemble ( de loin ! ) à une mer gelée …., mais qui est une des curiosités typiques de la Bolivie. Grâce à vous, en outre, j’ai appris que le nandou ou piyo ( variété d’autruche ) est le plus gros oiseau du continent, mais le plus majestueux reste quand même le … condor ! Avec toute la ténacité qui vous caractérise, bravo et chapeau pour tous ces efforts tellement bien récompensés, tout en continuant de nous faire rêver. Un énorme merci encore. En ce jour du 28 décembre, vous n’allez sûrement pas tarder à franchir une nouvelle … frontière . Je crois avoir deviné et sans confondre l’Ouest avec l’Est …. En attendant, vivement les prochains « reportages » !!! A très vite bientôt, Bises à vous quatre.
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Bonjour Didier!
Tes 3 mots résument bien la Bolivie en y ajoutant l’accueil chaleureux!
Le condor est certes un oiseau majestueux, énigmatique aussi, rare mais que nous avons pu « croiser » au Pérou. Nous avons eu encore de la chance, en voyant 4 nandous par hasard, parmi les lamas!
Merci pour tes messages qui nous font toujours plaisir.
En ce jour du 28 décembre, nous quittions Uyuni pour l’Est… peut-être cela t’aidera pour savoir où nous allons 😉
A bientôt!! Et une Très Bonne Année Didier!
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Que de sel !!!…. quel paysage étonnant, effrayant, déroutant et dur à affronter mais vous en êtes sortis brillamment. Vous pouvez être fiers de vous mais pensez à vous ménager , prenez vraiment soin de vous c’est essentiel pour la continuation de votre aventure.
Bizz
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On te confirme Mounette, pour l’avoir goûté, le salar est bien salé!!!
Pour le moment, nous prenons du bon temps avec de bons petits-déjeuners à la poêle, et de succulent déjeuner sous les arcades de notre logement.
Pas de départ pour demain, on préfère en profiter et bien préparer la nouvelle frontière!!
De gros bisous de nous 4
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Coucou mes « Pino Great Travellers » préférés ! Je profite de mon « espace » , malgré la journée de retard ( je voulais vous écrire un p’tit mot « hier soir » en France … !!!! ) pour vous souhaiter à tous les quatre une super bonne et heureuse année 2022, avec mes veux de bonne santé surtout en prenant bien soin de vous, de vous protéger un maximum, mais également mes voeux de bonheur et joie à partager en famille et amis, sans oublier, bien évidement, mes voeux de …. réalisation et réussite dans vos … futurs projets !!!! Croisons les doigts et terminez votre exploit en beauté et émerveillement, avant de revenir nous raconter tous vos meilleurs souvenirs, à quand le documentaire télévisé de votre périple ? Voire un dvd, pourquoi pas ? Par contre, faudra m’en mettre un de … côté !!!!! En attendant, je vous embrasse et … bonne année au Chili ! Muchas felicidades por el Ano Nuevo . Hasta luego !
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Merci infiniment Didier!!!
Nous te souhaitons également une Bonne Année 2022, avec une bonne santé pour en profiter, de la liberté si c’est possible (avec ce virus) pour aller où bon te semble, et pourquoi pas une rencontre à notre retour en France, pour enfin se rencontrer en « vrai »? Dans tous les cas, une année mémorable pour toi, pour exaucer tes voeux de voyage!
Pour le documentaire, on n’en est pas encore là!! Nous sommes bien trop amateurs, l’un et l’autre dans nos domaines. Mais une soirée vidéo avec Annick, avec nos « rushs », nos bétisiers…. pourquoi pas?
A bientôt mais pas au Chili!! 😉
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