Argentine – Perdus dans les lignes droites – J665 et J666

J665 – Samedi 19 février – Jachal à Ancienne gare de Adan Quirocha – 61km


Et bien oui, la fête est finie, l’anniversaire de notre louloute bien fêté, c’est le moment de retrouver la route et l’aventure que nous aimons tant. Allez, courage, on se lève tranquillement, les enfants plus durement que nous 2. Une fois à table, on ne les arrête plus de manger et de parler! Le niveau sonore a atteint des décibels impressionnants, j’espère que les voisins sont déjà partis. Pour nous, ce sera juste après 9h, avec un vent de folie qui secoue toutes les plantes du jardin de l’hôtel. On croise les doigts en sortant d’ici, qu’il soit dans le bon sens pour nous aider.
On n’a pas assez croisé les doigts, on aurait peut-être dû faire les jambes et les bras aussi. Purée, il est fort dans les rues de la ville que nous traversons alors que les bâtiments nous abritent. C’est pas bon ça! Pas bon pour nous. Au rond-point de sortie, en continuant la RN 150 que nous avions quitter 3 jours plus tôt, on est décoiffés. On va le rester jusqu’à ce soir à 19h.

La loose pour nous car il y aura très peu de virages, très peu de changement de direction, et donc de face il est à 9h30, de face il le restera. Ce qui entraîne des changements de programme immédiat : nous n’atteindrons pas les 100km plus loin pour le bivouac, impossible au vu de la force de cet élément naturel contre nous. Et comme pour nous aider, une poche plastique sur la route se prend dans le dérailleur du Panzer. On est obligés de retirer par petits bouts et même démonter la pièce pour tout extraire. On commence la distance en faisant le tour de la colline « Del Portezuelo », en suivant le chemin de fer désaffecté et les lignes électriques, seules preuves de l’activité humaine parmi les cactus boules et les buissons, seule représentation de la végétation. On pédale l’un derrière l’autre, histoire de s’abriter, de garder des forces et de rester ensemble. On est censés perdre en altitude, on ne sent guère la vitesse ou la pente, trop retenus par ce fichu vent. Mais on persévère, jusqu’au village de Niquivil, pour découvrir la place et ses jeux, sa tienda (nous n’avons pas fait les courses au départ de Jachal), son robinet pour nos 10 litres d’eau, et sa table pour notre goûter du matin à 11h, après 22km.

La motivation n’est plus la même qu’au début de l’aventure, surtout pendant les jours de transition, comme aujourd’hui et demain. Mais il faut bien les faire pour d’autant plus apprécier les autres portions du voyage. Quelques tests sportifs des enfants sur les appareils de musculation (délaissant le toboggan!), nous rappellent qu’eux ne pédalent plus trop sur le vélo! Nous, assis sur les bancs, on est déjà crevés!


Allez, en avant la troupe, on se motive pour 2h de vélo encore avant notre arrêt plus ou moins prévu pour 13h, après cet encas. Et on le fait. On avance, on progresse dans ce couloir plat entre 2 chaînes de montagnes, ce chemin vers le Sud, comme tracé par la nature. 19km, 2h et des poussières plus tard à la montre de Raphaël, toujours la même ligne droite non terminée, toujours la colline de départ dans notre rétroviseur, nous posons nos vélos à l’ombre du seul arbre du coin. Un tarp de mis au sol, et on s’y met pour le pique-nique en tee-shirt et short. Je ne vous avais pas dit qu’on avait chaud, qu’ils avaient prévu plus de 30 degrés encore, que le soleil tape bien sur chaque partie de peau? Et bien voilà!


Notre après-midi s’ensuit vers 14h15, avec un virage sur la gauche près de l’ancienne gare en pierres de Tunuco, 41km donc après notre départ de Jachal. Toujours le même décor naturel, ce couloir, suivant les rails sur notre droite, pendant 2 bonnes heures. Un arrêt au refuge avec ces 2 frigos non branchés, sa table et son toit, à la disposition des voyageurs. C’était le point en ligne de mire pour le midi, loupé ! Nous étions trop prétentieux avant d’avoir évalué la force du vent.

Pas grave, nous avancerons encore de 20km, au même rythme, avec du faux plat descendant, en finissant par une déviation dans les cailloux et la poussière, sans aucun espace pour nous sur le côté, pour laisser la route 40 en travaux. Quelques sourires et salutations de la part de ces travailleurs, le conducteur du tractopelle nous propose même l’asphalte qu’ils sont en train de poser, mais il n’y a plus de rampe d’accès! Dommage. On continue avec ma sacoche qui se décroche à chaque grosse secousse. Finalement, Julio, un agent travaillant sur la barrière de sécurité, nous invite à remonter juste après pour profiter du goudron tout frais, sans aucune voiture! Le rêve qui commence. Mais comment connaissons-nous son prénom? C’est que 500m après, une gare désaffectée, celle de Adan Quirocha, enfin une jolie maison en pierres (sans toit ni fenêtres), est un bivouac idéal pour cyclistes. Sylvain et les enfants y vont, font le tour et Raphaël revient en me disant qu’il faut remettre le casque, qu’il y a des bouts de verre, des canettes et même une tique. Mince, après 61km, je suis naze! Il rigole… Sa blague a bien fonctionné.

Le site est propre, on a même le choix pour l’emplacement, entre l’intérieur de la maison avec la poussière et le sable, ou dehors au vent et à l’ombre mais au frais! La seconde option est privilégiée. Seulement, étant à 80km encore de la ville et du ravitaillement en eau, on doit faire attention avec nos 10litres. Nous avons soif et le niveau va bien descendre après nos 3 bouteilles d’un litre et demi vides. Il nous faut de l’eau pour maintenant et ce soir pour boire, de l’eau pour cuisiner la polenta, un peu d’eau pour se laver les mains et le visage, de l’eau demain matin pour le petit-déjeuner, de l’eau dans les gourdes pour une forte journée en chaleur demain (au moins 6 L)… voir même penser au soir si on n’arrive pas à arriver à l’objectif.
Alors avec Raphaël, on part faire du charme aux gars des travaux. Et on demande à celui qui nous avait recommandé de monter sur la parcelle nouvellement asphaltée, Julio, un peu d’eau pour nos 3bouteilles. Il accepte sans hésiter, nous ayant vu à l’heure tardive tout à l’heure, il se doutait que l’on s’arrêterait rapidement. Julio, donc, nous sort une bonbonne du congélateur situé dans leur conteneur, nous rassure en nous disant que des gardes sont là la nuit au cas où, et nous invite à revenir demain matin si besoin avant de partir dans la seconde partie du désert! Quelle gentillesse bienvenue et fraîche! On est fiers en revenant au bivouac. Petite session de montage de tente sous le vent, de prise de photo du site, d’aménagement intérieur, de mise en place d’un barbecue de compétition par notre MacGyver pendant que les loulous transforment le sable et les cailloux en ville, Santa Cécilia, avec son parking, son hôpital etc…


Le diner est servi sur le parvis de la gare, assis sur une marche, face aux montagnes qui rougissent vers 19h. La suite? Passage à la salle de bain obligatoire, film Seven pour Sylvain, écriture pour moi en musique et dessins pour Emma et Raphaël, chacun sur son cahier, jusqu’à la pénombre à presque 21h. Ils s’éteignent à la suite sous le bruit des oiseaux et du vent qui nous rafraîchit dans notre étuve à 4!

J666 – Dimanche 20 février – Ancienne gare de Adan Quirocha à Albaron – 93km


Argh, des jours comme ça nous semblent longs juste par le temps effectués sur nos selles, de 9h à 18h! A contrario, elle fut quelque peu « monotone » par le paysage, mais une nouvelle fois, bien sympathique par les rencontres du jour!
Petit lever de soleil de derrière la chaîne de montagne, encadré de rose et d’orange, après notre lever à nous à 6h45. Non, la vérité est plutôt un réveil à 6h45 mais le lever ne fut effectif que 30 minutes plus tard. Donc, assis devant notre tente, habillés, le feu du barbecue allumé grâce à Sylvain, nous dégustons notre petit déjeuner devant ce spectacle de l’astre. La suite est habituelle, routinière avec le rôle de chacun et surtout celui des enfants de jouer ou dessiner, et celui du mécano de réparer une énième crevaison (8 rustines sur cette chambre à air…) jusqu’à notre départ à 9h. Un petit tour auprès de Julio, notre fournisseur d’eau fraîche pour remplir quelques bouteilles, écouter ses conseils, et connaître un peu de sa vie, avec ses 11jours de travail avant ses 3j de repos, et ainsi de suite.


Nous reprenons la route et celle en travaux, où ils ajoutent les barrières de sécurité mais dont l’asphalte est si lisse… et rien que pour nous. La route 40 sera la même qu’hier, le même couloir, les mêmes chaînes de montagnes à l’Est et à l’Ouest, les mêmes buissons, les mêmes cactus, le même sable mais pas le même vent! Il n’y en a pas ce matin, et cela change la donne.
A 10h35, nous nous arrêtons à l’ombre près de la DDE locale, auprès d’un grillage devant 2 chiots adorables et craquants (à qui Raphaël et Emma donneront du pain!) après 22km.
Encore 19km parmi ce paysage désertique et identique avant le « carrefour » et le seul resto des kilomètres à la ronde. Pas aimable, et n’ayant que des petits pains aux chicharrons (sorte de lardons), nous pique-niquons à une table de pique nique sous un arbre, avec nos restes!


Le plus dur n’est plus les jambes ou le dénivelé, mais bien plus le mental. Ne pas lâcher, ne pas craquer, ne pas se désoler de cette monotonie, de ces kilomètres sans rien autour de particulier. Mais c’est sans compter sur les surprises: celle d’un cylco argentin, en sens inverse, venu d’Ushuaia.  Ou comme cette piste de ski beige. J’hallucine. Ce doit être l’effet  » vacances de février en France ». Une montagne sur notre gauche, une piste verticale la fend, comme une piste de sable où certains descendent en ski ou snowboard. Et bien, là, ça y ressemble. Mais bizarre, au bord de notre route, un panneau nous indique un virage vers cette pente de sable. A bien y regarder, et après les 3km qui nous en sépare, ce n’est pas ce que je pensais, mais plutôt la petite côte qui passe au-dessus, bien en face, sans trop de virages, tout shuzz ! Argh! La bonne surprise. Et Double effet « kiscool », Raphaël dort! La chaleur l’a assommé. Je n’aurai pas d’aide de ce côté là. L’avantage, c’est que cela me donne un but, un défi et rompt la monotonie de la journée. Faut toujours voir le bon côté des choses. Alors j’y fonce… à ma vitesse maximale de 5km/h, laissant le Panzer bien devant, disparaître.

Les encouragements des argentins dans leurs véhicules fait chaud au cœur, même leur proposition d’eau (j’en ai déjà 5 litres sur le vélo, n’allons pas rajouter de poids!). Mon binôme se réveille à 2km de la fin, dépité qu’il y ait encore « tout ça » de pente. C’est moi qui le devient! On finit ensemble, de concert sur nos pédales et rattrappons l’équipage du Panzer sous un arbre. La petite pause « boisson chaude dans les gourdes » nous fait du bien, surtout de savoir que la descente nous attend maintenant sur 29km. Le mental est important à ce moment, pour ne pas stopper, pour ne pas compter tous les kilomètres déjà roulés et garder l’objectif.
Alors on repart, en pente, avec ces montagnes russes successives, en passant près d’une mine, et atteignant une autre vallée, un autre couloir, et son vent virulent… de face! Mortel cette descente en pédalant. Heureusement, une petite surprise en voiture s’arrête devant nous après nous avoir dépassés. Ariel, Claudia et toute leur famille en sortent et viennent discuter avec nous, nous donnent leur numéro (au cas où nous aurions un souci de santé, la maman est médecin, et si par hasard à San Juan, on avait besoin d’aide!). Une jolie parenthèse avec eux terminée par des photos, forcément, histoire de faire perdurer ce moment en les regardant. On se donne même rendez-vous demain, si Raphaël veut un tee-shirt de l’Argentine!


Chacun continue sa route, sa pente, son vent, le début de la zone urbaine, des locaux en pique-nique sur le bord de la route sous les arbres qui nous applaudissent et nous saluent (entrée particulière qui nous booste) avec une arrivée à Albaron après 17h30. Un aller-retour pour rien au camping, blindé jusqu’à 21h, on préfère s’éclipser vers notre solution de repli: la station service! L’accueil des pompistes et l’herbe verte à l’arrière nous conviennent. Un craquage dans l’épicerie de la station et un montage de tente plus tard, on file par 2 aux douches chaudes et propres! Mieux qu’un camping. Et en plus, ce soir c’est resto; n’ayant pas de feu et ne pouvant pas faire de barbecue par ici.

Ce n’est que très très tard (pour nous!) que nous retournons chez nous, avec l’appréhension d’un orage qui se prépare avec ses nuages gris mais éclairés par les éclairs. Un festival de nuages foudroyés et lumineux par l’arrière donne une sensation de concert divin. Ce sera les dernières vues de l’extérieur avant la fermeture des yeux après 22h.

3 commentaires sur “Argentine – Perdus dans les lignes droites – J665 et J666

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  1. Encore un bon bout de route effectué pas forcément facile mais de belles rencontres de quoi étoffer les souvenirs et remonter le moral !!!
    A la prochaine

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  2. Bonjour les aventuriers,
    Qu’elle est longue ,droite , chaude et ventée cette R40, pas toujours agréable par le manque de diversité des paysages , le moral , c’est bien normal en prend un p’tit coup, mais comme d’hab vous ne lachez rien , bravo.
    Et l’accueil des argentins un vrai ascenceur imotionnel et ça fait du bien.
    Alors ce camion orange français ,vous l’avez croisé?
    Bon pédalage vers la patagonie .
    Gros bisous à tous les 4 vaillants aventuriers qui continuent à suciter mon admiration.

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  3. L’essentiel dans tout long voyage, c’est la solidarité, l’humanité : donc un grand merci à Julio, la famille Ariel et Claudia, et tous ceux qui vous ont épaulé, encouragé, aidé jusqu’ici. Vous avez faits face au vent et à cette longue route 40, magnifique courage, on ne lâche rien !!!! Prenez soin de vous Bizz

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