J741 – Vendredi 6 mai – Bivouac Maison abandonnée RP18 à Las Heras – 84km D+232m
Il faut reconnaître que les journées se suivent mais ne se ressemblent absolument pas, et que l’on a encore notre lot de surprise!
S’étant couchés tôt hier soir, ce fut facile et naturel de se réveiller… un peu moins de se lever! Il fait frais avec du givre sur la toile interne de la tente. Mais, aujourd’hui, une grosse journée nous attend: nous n’avons plus trop d’eau (20 litres partagés en 3 jours) et nous devons rallier Las Heras afin de pouvoir aller à la poste de Perito Moreno demain matin en bus. Alors, on petit-déjeune tous les 4 dans l’abside et dans la tente, et commençons déjà le rangement. Le vent ne nous a pas quittés de la nuit, ce matin encore et il faut être prudents pour désassembler et plier notre maison de toile sans qu’elle ne s’envole. Le pire c’est lorsque nous finissons de tout ranger, les enfants de trier et choisir leur 2 os décorés la veille pour former une famille avec ces vertèbres, et que nous quittons l’abri que constituait le mur de la maison. Finalement, le vent ressentit ici, n’est rien comparé à celui du désert. Mon dieu, il arrache celui-là! Mais dans le bon sens pour nous. Peut-être que nous arriverons notre challenge du jour.
A 9h30, on quitte la maison abandonnée et commençons sur le ripio. Le soleil est levé mais la lumière est spéciale encore aujourd’hui, comme un voile sur le ciel, sur la lumière qui est tamisée… et cela va s’accentuer à force de descendre au Sud. Dans ce tableau de pastel, le soleil n’est pas bien haut, et restera à cette altitude, bien caché sous les nuages en plus pour ce jour. Il fut bien différent de celui d’hier. Nous avons commencé par la route provinciale 18, déserte en humain et en animaux. Personne en vue, ce matin, et ce n’est pas à cause de notre vitesse phénoménale qui nous a vus faire 22km en 1h45 sur du ripio (des petits cailloux qui roulent, qui nous font basculer, qui s’enfoncent…). On est nous-mêmes impressionnés. Par le temps et par le paysage: des puits de pétrole partout autour de nous. Et cette luminosité qui perdure, comme si le coucher de soleil durait toute la journée. Le vent que nous ne sentions pas dans notre dos une fois assis sur notre selle, se rappelle à nous, une fois le pied posé au sol. Quelle aide aujourd’hui en plus de Raphaël et Emma qui pédalent. Ils connaissent les enjeux de la journée, savent que l’on ne peut s’arrêter que 20min pour grignoter et aller aux sanitaires ce que nous faisons à 11h30, puis à 13h. Ils acceptent volontiers ces quelques heures sans trop jouer sur le chemin, déjà parce qu’ils ne peuvent se voir tous les 2, sauf aux arrêts (rapides pour une fois), et que le chemin secoue tellement qu’ils ont peur de perdre leur os! (Les jeux et non leur ossature!!).
On avance, de front, ensembles, dans ce paysage de buissons de moins de 75cm, où rien ne peut pousser, couper, trancher, plier par le vent, bien à 45km/h et en rafales à 65. C’est dur, c’est long, il fait un peu froid, mais on ne peut réfléchir ni s’apitoyer sur notre sort. Il faut parfois passer outre et pédaler plus fort, même si c’est douloureux au dos ou aux fesses (surtout aux fesses!!). On garde cette intime conviction que c’est faisable aujourd’hui d’aller jusqu’au bout de ce ripio.
Les animaux ne sont pas sortis non plus parce que le bruit des puits doit les effrayer. Quand on arrive à l’intersection avec le chemin « à Los Perales », on comprend de suite la raison. A 34km de la ville, le trafic s’est intensifié: plus d’une centaine de véhicules, 200? Des camions, des camionnettes de chantier, des bus privés, des voitures… tous partent de cet espace vide, de cette pampa qui représente la plus grande concentration de pétrole de toute l’Argentine. Ils rentrent sur la ville pour le week-end, vont vite mais quasi tous nous saluent, nous klaxonnent, ralentissent à notre niveau, roulent sur la voie opposée pour ne pas risquer de nous projeter des cailloux, parfois s’arrêtent pour nous prendre en photo (comme les conducteurs de ce bus privé ainsi que tous les occupants à l’arrière- une dizaine!) où nous demandent si nous avons besoin d’aide (j’ai failli dire oui pour qu’ils nous prennent dans leur pick-up au km40, nous en restants 45 à 13h), nous font des pouces sortis de l’habitacle… Je vous ai dit que ce fut dure et c’est vrai. On a dû se motiver, parfois ronchonner (beaucoup pour moi!), accélérer, manger rapidement et ne pas profiter de ce qui nous entourait. En tout cas, pas comme d’habitude. Ça va pour une journée, mais j’aime que nous prenions le temps de profiter de chaque parcelle de chaque pays, comme une impression sur nous qui devrait avoir le temps de bien prendre. A cette vitesse, à ce rythme et au peu de pauses, ce n’est pas notre/ma tasse de thé. Seulement, ça a marché. A 10km de notre objectif journalier, des lumières sont visibles à l’horizon. Encore une descente avec une lumière encore plus faible, mais toujours autant de véhicules, puis nous tombons sur 2 argentins, garés sur le bas côté!
Leon y Claudio. Le premier travaille dans le pétrole et nous a aperçus sur la route en rentrant. Il a prévenu Claudio qui travaille à la radio Eclipse FM 96.1 de la ville, et sont revenus ensembles. Il désire nous interviewer ! On va finir par devenir célèbre en Argentine, à ne plus pouvoir aller nulle part sans être pris en photo!! On pédale derrière eux jusqu’à l’entrée de la ville et commençons l’interview par Claudio. Il est très professionnel, ces questions intéressantes et parlent même avec les enfants. 20min qui passent rapidement. Et dans notre tête, on a aussi la question suivante : où va-t-on dormir ce soir? Au camping municipal ou se prend-on une chambre? C’est toujours une petite incertitude quand on arrive en ville, et l’heure tourne, la nuit arrive déjà, et nous sommes encore sur les vélos. Mais la magie du voyage et des rencontres a sévi une nouvelle fois. Pendant cette interview, pas moins de 200 personnes regardaient le direct! Incroyable! Bon, notre espagnol était encore incertain, mais on était un peu plus à l’aise, avec des têtes de ??? Je ne saurai dire. En tout cas, on n’aime pas trop se voir. J’aurai du m’être mon mascara et enlever ce casque!!! Revenons à ces habitants de Las Heras, et de Bibiana en particulier, une enseignante du primaire qui a vu l’interview sur le bord du ripio et qui nous invite dans les locaux de son syndicat pour y dormir, avec une cuisine, un espace pour la tente, une bouilloire et du chauffage. C’est trop pour moi, émotive et fatiguée. Je ne peux parler et c’est Claudio qui prend la relève et nous ouvre la voie pour y aller en pleine nuit.
Ça ne devrait pas exister des personnes aussi généreuses, aussi gentilles dans ce monde sinon je pleure trop! Carmen, sa collègue, nous accueille aussi. Des embrassades comme si nous retrouvions des amies. C’est extraordinaire la suite. Pour nous, un lieu en sécurité, une cour, un jardin nous suffit. Mais un bâtiment entier, avec lumières, sanitaires, chauffage, table (dans la salle de réunion). On se laisse prendre dans ce tourbillon de gentillesse. Elles commencent à faire chauffer de l’eau pour notre thé, précieux après 3 jours sans trop boire. On discute avec elles, Claudio et Léon, qui partent et nous laissent nous installer. Arrivent 2 autres collègues, Estella et Roxy, avec lait et fruits. Le repas arrive ensuite avec des milanesas et des frites, en grande portion. On met la table et dînons à 8 dans cette pièce. Léon est passé auparavant avec sa famille, pour les présentations et pour nous ramener de l’eau. Ici, avec les puits de pétrole, l’eau du robinet n’est plus potable. C’est incroyable ce qu’ils nous donnent, ce que nous recevons d’eux. Des photos et des photos, des sourires, des bisous et des embrassades pour faire perdurer ce moment hors du temps. Nous finissons par un dessert chocolaté trop bon, des muffins cuisinés maison. Tout nous est offert par ces maîtresses qui gagnent un salaire 3 fois moins élevé que le mien. Quelle leçon encore une fois que nous n’hésiterons pas à reproduire en rentrant.
Ce que nous avons eu raison de nous éloigner un temps de la RN40 pour ce détour par ici… Gracias a todos. Et on se revoit demain, car devinez… On est invité à prendre une douche. Bon, si ça se trouve c’est parce que leurs narines ont été attaquées. On a plaisir à partager des moments avec d’aussi belles personnes, alors rendez-vous demain! Bonne nuit, à 22h, on se quitte (après avoir cherché partout les clés de la porte, accrochées à leur place! Ah Bibiana!). Nous réintégrons le bureau de Carmen, aménagé en chambre pour nous 4 où Sylvain a posé nos matelas. Petit tour aux sanitaires en prenant le temps de bien se brosser les dents, sans vent glacial. Un bien fou cette bulle de se sentir les bienvenus ici. Merci à eux tous encore et encore…
J742 – Samedi 7 mai – Las Heras off: Vive cette ville et ses habitants!
Les retombées de la vidéo d’hier par Claudio furent pharaoniques pour nous. Avec ses 8700 vues (11759 vues, le 12 mai! Ouah), cela fait une bonne partie de la ville de 40 000 habitants qui sait qui nous sommes! Ceci explique cela….
Ce matin, nous quittons notre fief dans la voiture de Bibiana qui nous emmène chez elle. Le bâtiment où nous logeons ne bénéficie pas de douches ni de machine à laver. Pas grave pour nous, ce n’est pas la première fois. Et puis, nous nous sommes lavés il y a 3 jours… Mais sa gentillesse est sans limite, et c’est dans sa maison qu’à tour de rôle, nous passons dans la salle de bain et que notre linge en fait de même dans la machine. Toute la famille est au chaud chez elle, entre les dessins animés en espagnol, le café, le thé, les fruits secs, les bananes séchées, les dattes, les pruneaux… Quand cela sent bon la rose, nous embarquons dans sa voiture pour un tour de courses pour notre journée de vélo de demain avant de retrouver notre « chez nous » actuel vers 13h. La matinée est vite passée.
C’est donc en début d’après-midi que nous dégustons dans la salle de réunion, notre repas avant de se focaliser sur le Blog pour moi, sur le jeu pour les loulous et sur le tri de photos pour Sylvain, qui s’est mis dans le bureau de Bibiana. Comme un air de chef avec son ordinateur! Nous continuons un peu avec de l’école, mais vraiment très rapidement, puisqu’Andrea et Gabriella, 2 maîtresses passent et discutent de leur travail avec les adultes qui reprennent leurs études, laissés parfois à 15 ans pour aller travailler. Ce qui me plaît beaucoup.
Puis Angel et une pompier volontaire viennent nous voir et nous offrir des tortas fritas. Les pompiers en vendent et une pharmacienne (connaissant notre Bibiana) leur en a acheté, pour notre plaisir! Nous ne la connaissons pas, nous ne la verrons pas malheureusement, et c’est d’autant plus surprenant et gentil de sa part. Nous discutons autour d’un thé lorsque Carlos et José qui a un négocio (un magasin), viennent nous voir également pour nous inviter ce soir à 23h. C’est juste extraordinaire!
Bibiana vient faire un petit tour par chez nous. Raphaël voulait une photo de la pyramide de Las Heras, de nuit avec toutes ses lumières. Juste avant, nous allons voir José dans son magasin pour décliner son offre de ce soir. Nous sommes très touchés de son invitation, mais l’heure tardive n’est pas possible pour les enfants et nous, surtout au vu des kilomètres de demain. Nous nous coucherons bien trop tard dans la nuit. C’est vraiment dommage, on le sait. Il nous présente son « négocio » et offre aux enfants tout ce qu’ils veulent dans sa boutique! Noël avant l’heure! Gâteaux, glace, chocolat! Sa générosité est sans limite cela nous touche énormément, mais il a fallu être ferme avec Sylvain quand José a sorti un grand carton pour faire plaisir aux enfants et qu’ils le remplissent!
De retour à la casa à 19h pour notre repas, Claudio passe nous voir et nous parle des retombées de cette interview. Des personnes nous proposent de nous aider à Friz Roy sur la route N3, côté Atlantique, si besoin. C’est impressionnant comme toute cette communauté est soudée et si adorable. Je n’ai plus de mots (en espagnol, comme en français). On ne reste pas insensible, c’est certain par l’affection que nous portent les Argentins, et ici, les habitants de Las Heras!
Une des raisons de se dire que l’expatriation dans des pays où les gens sont comme ça avec le sourire, avec l’ouverture qu’ils ont, est peut être envisageable? Non?
Pour l’heure, nous filons dans le bureau de Carmen pour dormir sous le bruit du vent…
Franchement quelle leçon de vie pour certaines personnes pingres que je connais.Je suis très heureuse de vous savoir si bien entourés.Courage et santé pour la suite .Je voyage à travers vos récits .Merci
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Une belle leçon pour nous, en effet, quasiment chaque jour de voyage! Nous ressortons le coeur plein et des amis à travers le monde, dont nous sommes heureux d’avoir encore des nouvelles!
Merci pour votre message. Bonne lecture à vous!
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Extraordinaire l’accueil de tous ces Argentins, je suis emue rien qu’à lire votre récit,alors à vivre j’imagine vos émotions.
Vous êtes des VIP avec tous ces reportages , les argentins s’interessent à votre incroyable périple, pas commun il faut dire,c’est réconfortant.
Bonne suite et peut être encore des surprises à venir!!
Bisous à tous les 4
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On est très émus, embarrassés parfois aussi de tant de gentillesse pour nous, des inconnus… Ils sont adorables!
Notre périple n’est pas si commun, nous croisons des cyclos en sens inverse (qui cherche la chaleur!), moins fous que nous!
Des bisous Annick et à bientôt
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Une devinette : quels sont les Français les plus célèbres d’Argentine ? Vous savez quoi, ils portent le même nom que moi. Quel honneur ! Honneur pour moi je veux dire. Félicitations aux courageux explorateurs des déserts patagons. Bonne continuation, bon vent surtout (dans le bon sens !) Bises.
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il y a un moment que je n’ai pas laissé de posts ; je n’étais pas chez moi et avais peu de connexion. mais j’ai rattrapé mon retard ! Comme c’est encourageant cette gentillesse des Argentins. vous êtes accueillis comme des rois. Il est vrai que votre périple en famille et bici qui sort de l’ordinaire ! Ils doivent être, comme moi, impressionnés par votre ténacité, votre volonté , votre courage ! Contente que le vent vous soit favorable , d’autant qu’il est très puissant dans ce désert patagonien !
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Quelle magnifique rencontre avec ces personnes adorables et généreuses, sûr que le détour valait le coup… De quoi vous requinquer pour un nouveau départ… à bientôt pour la suite de l’aventure
Annie-France
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Tu joues du xylophone Raphaël maintenant ?
Et je remarque également sur ce nouveau reportage que ton papa a trouvé « chaussures à ses pieds »!!! Bien amorties les précédentes tout compte fait !!!
Beau reportage encore qui nous fait partager en images votre quotidien,merci à tous les quatre, bisous.
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