J762 – Vendredi 27 mai – Bivouac près de l’estancia à El Chalten – 42km D+228m
Comme chaque fois que nous arrivons dans une ville où nous nous logeons dans une cabane ou un appartement avec du WiFi, je n’écris pas le soir même mais je regarde les messages des amis et de la famille, les mails, et les commentaires, les news aussi… jusqu’à point d’heure. Je remets au lendemain, parfois à la semaine d’après l’écriture du jour (et des fois, c’est l’abandon, vous l’avez lu avant notre arrivée sur Tres Lagos). Mais ce soir, non, car la journée que nous avons passée mérite d’être translatée maintenant. Enfin à minuit 45!
La journée ne fut pas longue en kilomètres, pas palpitante dans les rencontres humaines. Mais elle fut pour Sylvain et pour moi, pour une fois, je peux aussi parler en son nom, MAGIQUE. Il nous a levés plus tôt que d’habitude, à l’insu de notre plein gré, à 7h30. Ok, je vous vois rigoler, vu l’heure « tardive », et que dans quelques mois, pour aller au travail, il faudra se lever bien plus tôt! Que vous, qui nous lisez, à 7h30, vous y êtes déjà au travail, ou votre esprit l’est déjà! Mais, sans vouloir se plaindre, je vous jure que c’est dure pour la dormeuse que je suis. Le froid, la fatigue, les jambes qui font mal… et de savoir que l’on va encore les utiliser pour 6 ou 7h, avec des températures de zéro ou moins. Mais comme dit ma cousine préférée numéro 52 : » tu as fait un choix, tu l’assumes! ». Oui j’assume, de dire que c’est dure physiquement. La vieillesse nous guette avec Sylvain. Alors, nous sortons de nos duvets par -4 degrés en tentant de nous habiller sans enlever quoi que ce soit. Heureusement, nous sommes déjà vêtus de nos sous-vêtements techniques avec lesquels nous vivons 24h/24 depuis déjà 2 jours complets. Plus qu’à y ajouter le tour de cou réchauffé naturellement par la chaleur de notre corps mis dans le sac à viande, la polaire et le pantalon de ski. Hop, direct dans la cuisine à moins d’un mètre (l’avantage, c’est hyper rapide!!) pour le petit-déjeuner. Le Nutella est réchauffé dans l’eau sur le réchaud, le beurre est sorti de la sacoche frigo. Tout nickel, nous dévorons et rangeons à la suite, sans faire la vaisselle, gardant nos quelques litres d’eau pour nos gourdes (3ème jour depuis Tres Lagos sans avoir pu se ravitailler en eau). Manque de pot, elle sent le savon cette eau, vraiment très fort! Allez, pas grave, on a confiance en nous pour aller au bout et pouvoir profiter de la civilisation ce soir. A 9h27, génialissime, nous sommes sur la route provinciale numéro 23 en direction de l’ouest, de la Cordillère.
Le soleil n’est pas levé (non, il est feignant lui et ça ne va pas s’arranger en allant vers le Sud!). Seule une couleur rose-orange pointe à l’Est et se reflète sur les montagnes. Quand je vous ai dit magique, je ne rigolais pas. Toute la journée, cette montagne s’est révélée, s’est dévoilée, s’est montrée sous son meilleur jour, s’est parée de ses plus belles couleurs rendant magique notre rencontre avec elle. Cette montagne c’est le Fitz Roy. A cet instant, quand nous donnons nos premiers coups de pédale, il est face à nous, dressé de toute beauté vers le ciel. Encore sombre, petit à petit, il se colore depuis le sommet vers sa base, d’un rose magnifique. Le soleil l’illumine. Magique. Rien que pour nous, rien que nous sur la route, personne d’autres que 4 cyclos dont 2 férus de montagne et d’alpinisme qui restent bouche bée devant le spectacle. Et on n’a pas commencé à faire notre boulot, qu’on le photographie déjà avec l’appareil photo et le téléphone.
Le vent n’aura pas raison de notre visage et de nos yeux relevés vers lui même s’ils sont frappés par sa froideur et sa virulence. Il n’aura pas raison de notre motivation, de notre persévérance. Jamais. On ne faiblira pas, gonflés par la magie de l’endroit et de cette vue. Comme si on était sur une route infinie. On pédale, un peu plus vite qu’hier. On arrive à faire 27km en 3h30 en s’arrêtant un nombre incalculable de fois pour la poésie du moment, par la nature et par ces condors posés sur le talus ou la route. Ils dansent avec ce vent invisible, déploient leurs ailes, nous invitent à la contemplation.
Notre route se dirige indéfiniment vers lui, avec quelques virages qui nous rapprochent des collines enneigées sur notre droite. Le dénivelé est positif mais latent. Ce n’est pas ce qui rendra notre journée difficile physiquement. Ce sera ce vent, qui nous use, nous provoque, nous empêche d’y croire tout de suite, nous teste, mais qui dans l’après-midi ne forcera pas. Notre victoire est là. Quand nous nous posons dans un sanctuaire sur le bord de la route, à l’abri près des cierges, des donations, nous sommes fatigués. Nous ne pouvons nous stopper trop longtemps ici. Il reste seulement 14km, mais l’expérience nous fait douter encore. On ne sait jamais… entre ce vent et le pneu ouvert raffistolé hier… Alors rapidement, notre pique nique est rangé dans la sacoche, et nous admirons nos enfants qui nous accompagnent et croient à cet instant que c’est possible. Que notre arrivée ce soir à El Chalten est envisageable. On n’est pas tendre avec eux de leur faire vivre cela, ils sont courageux nos 2 loulous. Mais ils sont heureux d’être ici… heureux car nous le sommes aussi.
On enfourche nos selles et nos sièges et ne résistons pas à l’appel de nos sirènes Fitz Roy et Cerro Torre. Une belle côte nous attend pour atteindre le plateau au pied de cette chaîne faisant parti du Parc National de Los Glaciares, inscrit au Patrimoine Mondial de l’Humanité. Nous passons son entrée peu de temps après, toujours avec un regard pour notre rêve. Il se rapproche. Il se voile aussi un peu mais reste toujours aussi massif, aussi vertical, et ouvre le panorama sur le glacier bleuté Viedma, cette masse à sa droite, en suspens. En musique, en symbiose avec Raphaël qui pédale d’arrache-pied (tout comme Emma sur le Panzer), nous glissons sur l’asphalte entre les guanacos qui se fondent sur l’herbe jaune en courant, entre les tâches blanches de neige bien ancrées dans le paysage. Il est tellement impressionnant (la magie opère toujours!) de se dresser à 3402m d’altitude alors que nous ne sommes qu’à 400m au-dessus du niveau de la mer et à moins de 10km de la ville. Ça y est, on y croit et on est surexcités. On se permet des pauses photos plus longues sur la dernière ligne droite où l’on devine les toits des habitations.
Lorsque nous entrons dans la ville, il est tout juste 15h30, mais le soleil est presque en train de « redescendre » de sa courbe diurne. Nous parcourons la rue principale jusqu’à la place centrale où des jeux en bois vont permettre aux enfants de se défouler, de se faire plaisir et même de se disputer! Pendant ce temps, on regarde nos téléphones pour choisir notre lieu de vie pour les 6 nuits prochaines. C’était inscrit dans notre planning des 2 ans, cette petite semaine de repos dans ces lieux, pour visiter mais surtout randonner! Entourés de montagnes, la ville est la Mecque de la randonnée, de l’alpinisme et de l’escalade. Lionel Terray l’avait découvert en 1952, nous tenons à en faire de même à notre niveau et celui d’Emma et Raphaël. On se trouve un appartement un peu haut de gamme, avec surtout de l’espace pour les enfants en mezzanine, et de l’espace pour nous, et de belles fenêtres sur le paysage autour. Bingo, on va aller voir cela de plus près (et négocier ainsi le prix!!). Encore 1km à travers la ville, à remonter par la piste métallique pour prendre de la hauteur sur le plateau suivant. Le gérant fait visiter Sylvain et les enfants et l’on se met d’accord pour séjourner ici dans ce havre de bois et de verre. Nous n’y croyons toujours pas, d’être au pied d’une montagne mythique, que nous connaissons depuis 20 ans par les photos des magasines, qui était pourtant à l’autre bout du monde. C’est une des pépites de notre périple, un de nos rêves que l’on touche enfin. Arriver ici après 660km de vélo à travers la Pampa, seuls, à l’exception des 2 villages traversés, amplifie notre émotion à être là. Mériter la découverte de ce lieu par de l’effort nous plait, c’est une thématique qui nous parle beaucoup, et qui donne encore une fois du sens à notre façon de voyager…
En attendant d’aller marcher sur ses sentiers et peut-être rencontrer un puma, nous partons en courses, le ventre vide mais les poches de courses pleines au retour qui se fait de nuit, à pied. Une bonne douche brûlante, un bon apéritif, un bon repas, un bon moment de jeu, un bon lit chaud, et la famille part au pays des rêves vers 22h pour presque tous.
Je suis ravie d’avoir tenu jusqu’à cette nuit pour transcrire la joie, l’honneur, le rêve d’être à El Chalten, d’être au pied du monstre, de ses parois, de son aura mystérieuse qui nous fascine Sylvain et moi. Sur ce, je vais aller rêver de nuit après ce rêve de jour.
Les 3 jours suivants, donc les J763, J764 et J765, comme habituellement, nous nous sommes reposés dans cet appartement.
Principalement, nous avons cuisiné et mangé: notre corps n’y a rien compris, comme à chaque fois! C’est parfois difficile pour nous, vraiment, de manger dès le premier soir sans avoir mal au ventre à la suite, sans être écœurés. Nous passons d’une vie de pédalage pendant 4 jours environ en mangeant rapidement le midi et le soir, car il gèle tout le temps. On est en dessous de zéro tout le temps maintenant, même à 14h. Alors on expédie les repas, on n’y passe plus 1h! On arrive à s’organiser pour avoir suffisamment de nourriture jusqu’à 4 jours pour nous 4 pour les 3 repas, ça on en est fiers.
Imaginez à présent, notre joie de savoir qu’il y a un four et des plaques de cuisson. Alors, nous avons cuisiné des crêpes, beaucoup, des plats entiers de crème et de poulet gratinés, des pommes de terre sautées, de succulents repas, de grignotage entre les repas, d’apéritifs… Notre corps reprend des forces sur ces 3 jours, ce qui nous permet d’aller randonner aussi.
Nous avons visité le village, où beaucoup de boutiques, hôtels et restaurants sont fermés en ce moment, car c’est la basse saison. Un peu d’école tout de même, de cinéma à l’appartement, de douches chaudes, de jeux pour les enfants et d’internet pour les parents!
Le dimanche 29 mai, nous nous levons ainsi à 8h habillés comme un jour de vélo, pour marcher et prendre le sentier jusqu’à la Lagune Torre. 9,5km de sentier dans les champs, dans la forêt, le long de la rivière pour accéder aux abords de ce lac, gelé en ce moment. Le lever de soleil est juste sublime, ses couleurs nous impressionnent. Nous déambulons sur le chemin, avec ses pancartes en bois tous les kilomètres (km 1 sobre 9, nous permettant de faire des fractions aussi!), ses rochers recouverts de glace (attention à certains passages!!) et surtout sa neige!!! Difficile pour les loulous de ne pas prendre avec leurs gants cette poudre, de ne pas aller sauter dedans pendant les 7h de rando! Vu que ce soir, nous pourrons tout faire sécher, on laisse faire, ils s’éclatent. Nous explorons, nous admirons, nous écoutons les bruits du Pic de Magellan que nous arrivons très bien à voir, un mâle et des femelles, nous scrutons les empreintes des animaux et ce Torre qui se dresse de plus en plus jusqu’au Lac où nous avons pique-niqué. Il faut alors penser au retour, dont les 4 derniers kilomètres ont été un peu plus compliqués et lents pour Raphaël. Mais, il a tenu, Emma aussi jusqu’au bout!
Je vous laisse donc à votre tour, admirer les photos de cette superbe journée à 4, où les jambes de tous se sont exercées pendant 19km… On vous recommande vraiment cette randonnée!
Merci pour ces magnifiques photos et merci de nous faire partager la magie de votre rêve éveillé…
Profitez bien de ces qq jours de pause pour vous reposer et randonner dans cet environnement splendide à bientôt
J’aimeAimé par 1 personne
SPLENDIDE ! je comprends vote émerveillement et votre abnégation pour aller jusque là malgré les km , le froid , le vent ! très belles photos du vautour et de vous 4 , de dos , de face devant ce magnifique paysage ! Reposez vous bien , mangez bien et prenez beaucoup de plaisir à contempler cet environnement ! Bravo à vous 4 pour tous ces tours de roue dans des conditions difficiles !
Et en plus vous êtes à jour dans le blog 👍👍👍 on est presque en direct !
J’aimeJ’aime
These mountains are some of the most heartbreakingly glorious ones I have ever seen! Thank you for sharing so much with us. Raphael’s and Emma’s lives are forever enriched by this entire experience as are ours for taking us along on your journey. Deb Phillips Sent from my iPhone
>
J’aimeAimé par 1 personne
Que belleza sus fotos, ahí hay Amor, locura de la linda. Mis felicitaciones ,👏👏 un gran abrazo Leti , Silvano, Emma y Raphael 🤗♥️
J’aimeAimé par 1 personne
Je ne trouve pas de mots pour vous dire mon emerveillement de vous savoir dans cette région époustouflante. Rêve accompli malgré le vent, le froid le manque de nourriture , quel courage. Bravo à vous et aussi à Emma et Raphaël à qui vous avez transmis cette force d’aller au bout drs rêves et drs objectifs.
Les photos sont tellement bien prises, ça me fait trop rêver et j’avoue une pointe de jalousie !!
Profitez bien ,prenez en plein les yeux Bisous
J’aimeJ’aime
Quel bonheur de vous savoir vivre l’émerveillement que la nature vous offre … là bas.
Énorme vôtre aventure,tout est déjà écrit .
J’aimeJ’aime
Ce Fitz Roy, quelle montagne ! Quels paysages ! Trop beau, c’est à pleurer d’émotion. J’ai envie de vous dire » Vous l’avez mérité bien » Tout est déjà écrit, oui. Grand merci pour ce partage, énorme joie pour nous. Profitez, profitez !
J’aimeJ’aime
Superbe en effet…. C’est toujours un plaisir de vous lire et de suivre vos aventures…Profitez bien
pour ces derniers moments de votre périple ! Gros bisous
J’aimeJ’aime
La tía Bibiana de Las Heras disfruta de verlos tan felices y logrando metas. Son un ejemplo querida familia.
J’aimeJ’aime
Les photos parlent d’elles mêmes, éblouissantes, instants magiques qui nous laissent admiratifs de ce que vous venez de vivre, une fin en apothéose ! Bravo à vous pour votre force et votre courage. Prenez soin de vous bizz
J’aimeJ’aime